Pour la fluidité des condensats d’ADN, la taille compte !

Résultats scientifiques Biochimie-biologie structurale

Dans nos cellules, l’ADN génomique est stocké sous une forme compacte et condensée. Les mécanismes de condensation ainsi que les propriétés des condensats qui régulent l’organisation et la fonction du génome sont actuellement très étudiés. Les mécanismes peuvent être notamment la séparation de phase liquide-liquide, la gélation ou l’agrégation. Dans cette étude publiée dans la revue Biophysical Journal, les scientifiques ont caractérisé les condensats en fonction de la taille des molécules d’ADN qui les constituent. Les résultats suggèrent que l’ADN génomique dans la cellule pourrait avoir un comportement de type solide et potentiellement se fluidifier lorsque les zones d’interaction impliquent des régions d’ADN de tailles plus courtes.

L’état de condensation de notre génome est lié à sa fonction biologique. Les régions génomiques réprimées sont plus condensées que les régions actives, et la transcription in vitro, par exemple, est plus difficile pour un ADN condensé. Il est donc important de comprendre les mécanismes impliqués dans la condensation de l'ADN organisé au sein de la chromatine.

L'un des mécanismes proposés est la séparation de phase liquide-liquide, qui a récemment émergé comme un principe organisateur potentiel de la cellule. À l'aide d’approches de microscopie, comme le photoblanchiment par fluorescence, ou la microfluidique, les chercheurs ont étudié la morphologie et la dynamique de condensats contenant des molécules d'ADN de différentes tailles. Ils ont utilisé trois conditions différentes y compris la reconstitution de la chromatine pour mimer la situation dans la cellule. Les condensats avec de courtes molécules d'ADN étaient généralement ronds et dynamiques reflétant un échange des molécules d'ADN entre les condensats et le milieu environnant. Pour des molécules d’ADN plus longues, l'échange de molécules était plus lent et la forme plus irrégulière. Ces résultats suggèrent que les molécules d'ADN plus longues forment des condensats plus solides parce qu'elles établissent plus d'interactions avec les molécules d'ADN voisines, ce qui restreint leur mobilité. Cela suggère que l'ADN génomique tel qu'il est présent dans la cellule tend à être plutôt solide, tandis que les fragments courts d'ADN ou de chromatine ont tendance à être plutôt liquide. Cependant, dans la cellule, des zones de longs chromosomes pourraient être fluidifiées par interaction spécifique entre plus courtes séquences supprimant l'action des facteurs de condensation et réduisant ainsi la taille des zones d’interaction. Ces résultats permettent de mieux comprendre la fluidité de divers domaines génomiques et sous-compartiments nucléaires dans l'expression du génome.

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© Muzzopappa, Hertzog, Erdel
 
Figure : (A) Propriétés dynamiques des condensats d'ADN contenant les nucléosomes (unités de base de la chromatine) induits par addition de l’histone H1 qui en assure la liaison. Le rectangle jaune marque les régions de photoblanchiment, méthode de fluorescence permettant d’étudier la dynamique moléculaire. Les courbes de photoblanchiment de différents types de condensats d'ADN avec 1 kb d'ADN (courbes magenta), 17 kb d'ADN (courbes vertes) et 48,5 kb d'ADN (courbes bleues) sont représentées. Le modèle proposé est illustré en B et C. (B) La longueur des molécules d’ADN et la fluidité des condensats sont anti-corrélées pour les conditions testées dans cette étude. (C) Bien que les molécules d'ADN longues tendent à former des condensats de type solide, des propriétés de type liquide peuvent être observées à des plus petites échelles si des zones restreintes (magenta) sont engagées dans l’interaction.

 

Pour en savoir plus
DNA length tunes the fluidity of DNA-based condensates.
Muzzopappa F, Hertzog M, Erdel F

Biophysical Journal: 26 février 2021 .  https://doi.org/10.1016/j.bpj.2021.02.027

Contact

Fabian Erdel
Chercheur CNRS au Laboratoire de biologie moléculaire des eucaryotes du CBI

Laboratoire

Unité de biologie moléculaire, cellulaire et du développement (MCD) - (CNRS/Université Toulouse Paul Sabatier)
CBI - bâtiment IBCG
118 route de Narbonne
31062 TOULOUSE CEDEX 9