Perturbation sexuelle par les phtalates: les femelles plus vulnérables que les mâles

Résultats scientifiques Neuroscience, cognition

L’exposition de souris femelles à des doses environnementales de phtalates diminue voire inhibe les comportements nécessaires à l’accouplement. Ces effets sont associés à une diminution de l’expression des récepteurs de la progestérone dans le cerveau. La comparaison avec une précédente étude sur les mâles montre que les femelles sont plus vulnérables à l’exposition à ces perturbateurs endocriniens, classés uniquement comme reprotoxiques pour l’appareil reproducteur mâle. Ce travail est publié dans la revue Environmental Health Perspectives

Les phtalates sont des polluants organiques très présents dans l’environnement, en raison de leur utilisation importante notamment dans l’industrie plastique. Le di(2-éthylhexyle) phtalate (DEHP) est le plus abondant, mais d’autres phtalates sont également présents. Précédemment, il avait été montré que l’exposition chronique de souris mâles adultes à de faibles doses de DEHP diminue l’émission des vocalisations ultrasonores et retarde l’accouplement, probablement en raison de la diminution de l’expression cérébrale du récepteur des androgènes. Les effets de l’exposition chronique au DEHP seul ou en mélange environnemental de phtalates restaient à évaluer chez la femelle.

Les scientifiques viennent de montrer que l’exposition chronique de souris femelles adultes à de faibles doses de DEHP seul ou en mélange de phtalates altère la préférence olfactive naturelle des femelles envers les mâles et diminue le comportement de lordose, posture adoptée par la femelle pendant l’accouplement. Les femelles exposées sont également moins attractives puisque les mâles passent moins de temps à interagir avec elles ou à renifler leur urine et vocalisent moins en leur présence.

Ces perturbations ont lieu alors que les niveaux des hormones (oestradiol et progestérone) nécessaires à l’activation de ces comportements ont été normalisées entre les femelles contrôles et celles exposées aux phtalates. Ces modifications comportementales sont, en revanche, associées à une diminution sélective du nombre de neurones exprimant le récepteur de la progestérone dans des régions clés pour l’intégration des signaux olfactifs et l’expression du comportement sexuel femelle.

Ce travail indique, pour la première fois, que l’exposition adulte à de faibles doses de phtalates, proches de l’exposition environnementale, réduit les comportements de reproduction chez la souris femelle, probablement en ciblant entre autres la voie de signalisation neurale de la progestérone, et perturbe également le cycle oestral, signe d’une dysfonction de l’axe gonadotrope. Les résultats obtenus soulignent une plus grande vulnérabilité des femelles et ouvrent la discussion quant au type des récepteurs neuraux ciblés par cette exposition chez les deux sexes. Ils suggèrent enfin que l’exposition environnementale aux phtalates pourrait avoir un impact majeur sur la reproduction mâle et femelle, non seulement chez les rongeurs, mais également chez d’autres espèces présentant des systèmes similaires de régulation neuroendocrine.

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© Sakina Mhaouty-Kodja

Figure  : L’exposition orale chronique de souris femelles à de la nourriture contaminée par les phtalates diminue l’expression du récepteur de la progestérone (PR) dans le cerveau, la préférence olfactive et l’attraction des mâles par les femelles, qui n’adoptent pas non plus la posture de lordose nécessaire à l’accouplement.

 

Contact

Sakina Mhaouty-Kodja
Chercheuse CNRS au Neurosciences Paris-Seine

Laboratoire

Neurosciences Paris-Seine/ Institut de Biologie Paris-Seine - (CNRS/Sorbonne Université/Inserm)
7 quai Saint-Bernard

75005 Paris CEDEX