Perception des signaux du stress oxydant chez le nématode C. elegans
Les dérivés réactifs de l’oxygène sont à la fois messagers et poisons dans les cellules : à dose physiologique, ils activent de nombreuses voies de signalisation, à dose excessive, ils provoquent le stress oxydant, une menace pour l’intégrité des constituants cellulaires. Dans cette étude publiée dans la revue PLOS One, les scientifiques décryptent les mécanismes de la perception du stress oxydant chez le nématode Cænorhabditis elegans. Ils montrent que l’animal perçoit différemment la lumière et le peroxyde d’hydrogène (H2O2) par des neurones de la tête et de la queue, via des mécanismes moléculaires distincts.
En condition normale, les dérivés réactifs de l’oxygène servent de catalyseur dans de nombreuses voies de signalisation. Cependant, lors d’un stress causé par l’exposition à un agent physique ou chimique (rayons UV, toxine, pesticide, ...), leur concentration intracellulaire devient excessive, et ils constituent une menace pour l’ADN, les protéines ou les lipides. On parle alors de stress oxydant. Celui-ci est impliqué dans de nombreuses maladies telles que le cancer, le diabète ou l’athérosclérose. En réponse au stress oxydant, les cellules ont recours au déploiement d’un arsenal antioxydant qui fait l’objet de nombreuses études. En revanche, la manière dont les signaux du stress, comme le peroxyde d'hydrogène H2O2 (un des dérivés réactifs de l’oxygène) sont perçus et intégrés au niveau d’un organisme entier reste largement méconnue.
C’est le nématode Cænorhabditis elegans, un organisme modèle très simple, qui a été retenu pour étudier cette question. Les scientifiques ont voulu décrypter l’activité neuronale d’animaux exposés à différentes doses de H2O2, mimant tantôt un stress oxydant, tantôt une dose physiologique. Pour cela, ils ont mis en commun leurs compétences respectives de biologie cellulaire et de biophysique, leur permettant d’analyser en temps réel les réponses neuronales d’animaux immobilisés sur une puce microfluidique. Leurs résultats montrent que la réponse au H2O2 met en jeu des neurones de la tête, appelés I2, et de la queue, appelés PHA, qui s'avèrent encore plus sensibles au H2O2. La réponse des neurones I2 et PHA repose sur des mécanismes moléculaires distincts, dont le dénominateur commun est la nécessité de la péroxiredoxine, un antioxydant très conservé. Enfin cette étude apporte la première démonstration que certains neurones de la queue sont photosensibles, agissant comme des yeux rudimentaires.
En conclusion, ces travaux montrent que la perception de la lumière et celle du H2O2 sont étroitement liées. Elle met en jeu des neurones de la tête et de la queue qui répondent différemment à ces stimuli, dotant l’animal d’un large répertoire sensoriel. Les scientifiques formulent l’hypothèse que l’intégration des signaux émanant de ces neurones oriente la réponse comportementale du ver face à un stress exogène, et lui permette de trouver une niche adaptée dans son environnement.
Pour en savoir plus :
Distinct mechanisms underlie H2O2 sensing in C. elegans head and tail
Quintin S., Aspert T., Ye T. and Charvin G.
PLOS One 29 septembre 2022. DOI: 10.1371/journal.pone.0274226
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