Pas de choc culturel pour les cellules immunitaires !
Les macrophages sont un type de globules blancs essentiels pour la réponse immunitaire mais aussi pour la réparation des tissus et l'élimination des cellules cancéreuses. Pour cette raison, les macrophages sont considérés comme une source prometteuse de thérapies cellulaires. Ces thérapies consistent à cultiver en laboratoire des cellules d’intérêt, dans le but de les amplifier en grand nombre, puis à les transplanter chez des patients afin de restaurer la fonction d’un tissu ou d’un organe. Est-ce que le passage en culture laisse des traces dans les cellules et affecte leurs fonctions une fois transplantées ? Cette étude, publiée dans la revue Nature Immunology, montre que ce n’est pas le cas et ouvre donc la voie à de nouvelles thérapies cellulaires basées sur les macrophages.
Les macrophages sont des cellules immunitaires présentes partout dans notre corps. Ils agissent comme les « gardiens » de nos organes : ils nourrissent et prennent soin des cellules alentour, ils éliminent les substances nuisibles, telles que les bactéries, les débris cellulaires ainsi que les cellules tumorales. Pour ces raisons, les scientifiques pensent que les macrophages pourraient dans un futur proche devenir des médicaments vivants, capables de guérir des organes endommagés, combattre les infections et lutter contre le cancer. Toutefois, pour parvenir à cet objectif, les cellules doivent être cultivées, en grand nombre, en dehors du corps et, jusqu'à présent, cela s'est avéré difficile pour les macrophages. De plus, les chercheurs craignaient que la culture en laboratoire fasse perdre aux macrophages leurs fonctions si particulières.
La multiplication des cellules en boîtes de Pétri en laboratoire, appelée culture cellulaire, est une technique courante qui, au fil des ans, a permis d'énormes progrès en biologie et en médecine. Néanmoins, les cellules cultivées en laboratoire sont sorties de leur environnement naturel et ne reçoivent plus les signaux environnementaux qui semblent essentiels à leur fonction. Les cellules sont cultivées sur des boîtes de culture en plastique et baignent dans des solutions nutritives artificielles. Elles doivent s'adapter à ces nouvelles conditions, un véritable choc culturel !
Pour savoir comment les cellules changent lors de leur culture prolongée et si ces changements sont permanents ou non, les scientifiques ont étudié les macrophages pulmonaires de souris, des cellules immunitaires qui vivent naturellement dans les alvéoles, les sacs d’air du poumon où ont lieu les échanges gazeux avec le sang. L'équipe a tout d’abord réussi à cultiver ces cellules en grand nombre et pendant plusieurs mois. Bien que leur apparence et leurs caractéristiques générales reste inchangées, un examen à l’échelle moléculaire a révélé que les cellules amplifiées en culture avaient acquis de nombreuses modifications pour s'adapter aux conditions de culture.
Chaque cellule de notre corps possède le même ensemble de gènes, mais les cellules diffèrent par les gènes qui sont activés et ceux qui sont désactivés. On peut considérer cela comme l'empreinte « digitale » ou moléculaire de la cellule - une combinaison unique de gènes activés qui distingue, par exemple, un macrophage pulmonaire d'un macrophage intestinal ou d'une cellule du cerveau. Les scientifiques ont comparé les combinaisons de gènes dans les cellules cultivées en laboratoire avec leurs homologues du poumon, et ont constaté des différences substantielles. Il fallait s'y attendre car vivre sur une surface en plastique et avoir tous les nutriments à portée de main est très différent des conditions naturelles. Les cellules ont dû s'adapter à ces nouvelles conditions, ce qu'elles ont fait en modifiant l'état de plus de 3 000 gènes. La question était alors de savoir si ces changements sont réversibles.
L'équipe a donc transféré les macrophages cultivés en laboratoire de nouveau dans leur emplacement naturel, les alvéoles pulmonaires de la souris. Des comparaisons détaillées ont montré que les cellules d’abord cultivées en laboratoire puis re-transplantées dans le poumon ne sont pas distinguables de leurs équivalents qui n'ont jamais quitté le poumon. Ainsi, les nombreuses adaptations que les macrophages ont dû effectuer pour vivre dans une boîte de culture sont totalement réversibles.
Bien que la recherche ait été effectuée sur des souris, elle a des implications très prometteuses pour les thérapies humaines. Avoir la possibilité de faire passer des macrophages, amplifiés en culture, du laboratoire vers leur environnement naturel pourrait s'appliquer à de futures thérapies cellulaires basées sur les macrophages. Les macrophages pulmonaires pourraient être récoltés des patients eux-mêmes ou de donneurs compatibles, multipliés en laboratoire, éventuellement modifiés pour lutter contre une maladie spécifique, avant d'être transférés dans les poumons du patient où ils pourraient immédiatement commencer à remplir leur fonction.
Pour en savoir plus :
Long-term culture expanded alveolar macrophages restore full epigenetic identity in vivo Sethuraman Subramanian, Clara Jana-Lui Busch, Kaaweh Molawi, Laufey Geirsdottir, Julien Maurizio, Stephanie Vargas-Aguilar, Hassiba Belahbib, Gregory Gimenez, Ridzky, Anis Advent Yuda, Michaela Burkon, Jérémy Favret, Sara Gholamhosseinian Najjar, Bérengère de Laval, Prashanth Kumar Kandalla, Sandrine Sarrazin, Lena Alexopoulou and Michael H. Sieweke:, Nature Immunology 24 février 2022. https://www.nature.com/articles/s41590-022-01146-w
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