Mouvement de récepteurs, physiologie cérébrale, maladies neuropsychiatriques : un tryptique crucial !
Notre cerveau est formé d'un réseau de cellules fortement interconnectées. Les neurones, qui communiquent au niveau de sites de contact appelés synapses, ont été l’objet d'intenses recherches afin d’identifier leur composition moléculaire et leurs rôles dans le fonctionnement cérébral. Dans cet article, publié dans la revue Science, les chercheurs décrivent comment le mouvement membranaire des récepteurs neuronaux régule la plasticité synaptique, les fonctions cognitives et joue vraisemblablement un rôle-clé dans certaines maladies neuropsychiatriques.
Comprendre comment les sites de contact entre neurones, appelés synapses, sont formés à l’échelle moléculaire, fonctionnent et s’adaptent au cours de la vie et en fonction de l’activité cérébrale a été, et reste, un des grands enjeux de la science moderne. La découverte que l'efficacité de la transmission synaptique peut être modifiée par l'activité neuronale a été une étape majeure dans la compréhension des fonctions cérébrales, comme l’apprentissage, la mémorisation et notre représentation sensorielle du monde.
Les différentes formes de plasticité synaptique dépendante de l'activité ont été très tôt proposées comme substrat biologique de l'apprentissage et de la mémoire. Cela a initialement encouragé les neurophysiologistes à envisager les mécanismes de la plasticité synaptique dans le seul cadre des propriétés quantiques de la libération du neurotransmetteur, ignorant largement la révolution de la biologie cellulaire qui se produisait en parallèle. Ainsi, dans les années 70, en même temps que la plasticité synaptique était découverte, la fluidité des membranes cellulaires était établie.
Ces découvertes, pourtant contemporaines, ont rarement été croisées. Alors que les biologistes cellulaires établissaient le rôle du trafic des récepteurs dans différentes fonctions cellulaires, les neuroscientifiques considéraient largement la fonction de synapse comme basée sur les propriétés unitaires du récepteur et le contrôle de la libération du neurotransmetteur. Il y a seulement une vingtaine d'années que les deux champs se sont mutuellement fécondés. La régulation des mouvements des récepteurs dans et hors des synapses est alors devenue un mécanisme fondamental de la plasticité synaptique.
La synapse excitatrice glutamatergique, qui représente environ 80 % de la transmission synaptique dans le cerveau, a été le principal objet d’étude. Au cours des 2 dernières décennies, les scientifiques ont montré que le mouvement membranaire des récepteurs glutamatergiques n’est pas seulement important pour apporter les récepteurs à la synapse, mais est aussi à la base des processus de plasticité synaptique à court- et long-terme. L’universalité de ce processus a été renforcée par le fait que la plasticité synaptique à long-terme et la capacité de mémorisation dépend de la dynamique membranaire de 2 familles de récepteurs glutamatergiques, "AMPA" et "NMDA". La mobilité des récepteurs est donc un des paramètres clés de la capacité d’une synapse à s’adapter et permettre le codage d’information dans le cerveau.
Un nombre grandissant d’observations permet d'établir que la transmission synaptique est altérée dans diverses maladies neurologiques et psychiatriques, faisant émerger l’hypothèse que ces maladies sont des « synaptopathies », c’est-à-dire des pathologies dans lesquelles le dysfonctionnement de la synapse participe grandement à l’étiologie. En se fondant sur le rôle essentiel de la dynamique membranaire des récepteurs dans la physiologie synaptique, les chercheurs ont montré qu’une altération de la dynamique membranaire des récepteurs est associée à différents modèles animaux de maladies neurologiques et psychiatriques. Par exemple, la présence d’auto-anticorps dirigés contre le récepteur NMDA est observée dans le cerveau de patients présentant des troubles psychotiques. A l’échelle moléculaire, ces autoanticorps pathologiques perturbent massivement le mouvement membranaire des récepteurs, sans agir sur l’activité "canal" du récepteur per se. Une altération du mouvement peut donc engendrer une dysfonction synaptique et une palette de désordres neurologiques et psychiatriques chez l’homme.
Dans l’avenir, le développement de nouvelles méthodes de visualisation in vivo du mouvement des récepteurs dans le cerveau et d’outils moléculaires et pharmacologiques pour contrôler ce mouvement conduiront probablement au développement d’une nouvelle pharmacopée cérébrale.
Pour en savoir plus :
Linking glutamate receptor movements and synapse function
Groc L, Choquet D.
Science, 12 juin 2020. DOI: 10.1126/science.aay4631
Contact
Laboratoire
Institut interdisciplinaire de neurosciences (IINS) - (CNRS/Université de Bordeaux)
146 rue Léo Saignat, CS 61292 Case 130
33076 Bordeaux Cedex, France