Moins de lipides entraîne plus de stress pour un champignon pathogène de l’Homme

Résultats scientifiques Biologie cellulaire

Les lipides, éléments constitutifs des membranes, sont indispensables à la compartimentation des cellules et à leur protection contre leur environnement. Les phospholipides, dont le phosphatidylinositol-4-phosphate (PI[4]P) sont des composants critiques des membranes cellulaires, incluant la membrane plasmique. L’étude d’une série de mutants chez la levure pathogène opportuniste de l’Homme, Candida albicans, révèle que le PI(4)P joue un rôle central lors de l'infection, en maintenant l'intégrité de la paroi cellulaire de cette levure et en masquant les épitopes clés reconnus par les cellules immunitaires de l'hôte. Ces travaux sont publiés dans la revue mBio.

Le phosphatidylinositol-4-phosphate (PI[4]P), bien qu'étant un composant mineur des membranes cellulaires, joue un rôle essentiel à l'intérieur de la cellule au niveau de la membrane de l'appareil de Golgi, et à la périphérie de la cellule dans la membrane plasmique. L'étude du rôle de ce lipide ubiquitaire nécessiterait de faire varier systématiquement les niveaux cellulaires de PI(4)P ce qui constitue un défi. En effet la plupart des organismes possèdent des enzymes distincts qui génèrent ce lipide dans la membrane de l’appareil de Golgi ou dans la membrane plasmique.

Les champignons pathogènes peuvent changer de morphologie de façon spectaculaire en réponse à divers signaux ou stress de leur environnement. Ces changements de forme, comme le passage de cellule ovoïde à cellule filamenteuse invasive de C. albicans, sont critiques pour l'infection par ce champignon pathogène et l'échappement aux cellules immunitaires de l'hôte. Des études ont révélé que les phospholipides jouent un rôle critique dans ces changements de croissance de C. albicans. L'analyse de mutants ayant des taux de phospholipides variables reste toutefois un défi car modifier les taux de PI(4)P affecte aussi largement la croissance cellulaire (plusieurs de ces mutants sont non viables). Pour étudier spécifiquement l'importance du PI(4)P dans la croissance filamenteuse, les réponses aux stress externes et les infections, les scientifiques ont généré des mutants « perte de fonction » sélectivement dans le mécanisme qui génère le PI(4)P de la membrane plasmique.

Cette stratégie a permis d'étudier les conséquences cellulaires de la réduction du taux de PI(4)P de la membrane plasmique chez différents mutants. De façon surprenante, les mutants avec un taux de PI(4)P à la membrane plasmique indétectable sont viables et se développent normalement sous forme ovoïde. Par contre, le PI(4)P de la membrane plasmique est critique à la fois pour le changement de morphologie et pour l'intégrité de la paroi cellulaire. En particulier, la paroi cellulaire des mutants avec un taux de ce PI(4)P indétectable est plus épaisse et expose un épitope fongique critique pour la reconnaissance par les cellules immunitaires de l'hôte. Ces mutants ne sont pas virulents dans un modèle murin d'infection systémique, mais le sont dans un modèle d'infection de candidose oro-pharyngée.

Cette étude identifie donc un rôle spécifique pour un phospholipide critique de la membrane plasmique lors de l’infection, qui est probablement dû au démasquage d'un épitope clé de la paroi cellulaire reconnu par les cellules immunitaires de l'hôte.

figure
© Rocio Garcia-Rodas & Robert Arkowitz

Figure : Distribution du phosphatidylinositol-4-phosphate, PI(4)P (panneaux supérieurs) et épaisseur de la paroi cellulaire (panneaux inférieurs) chez Candida albicans (cellules sauvages, panneaux gauches et cellules mutantes, panneaux droits). Un rapporteur fluorescent a été utilisé pour visualiser le PI(4)P qui se localise au niveau de la membrane plasmique et de la membrane de l'appareil de Golgi (panneaux supérieurs) et la microscopie électronique à transmission a été utilisée pour observer la paroi cellulaire (panneaux inférieurs).

Pour en savoir plus :
Plasma Membrane Phosphatidylinositol-4-Phosphate Is Not Necessary for Candida albicans Viability yet Is Key for Cell Wall Integrity and Systemic Infection
Garcia-Rodas R, Labbaoui H, Orange F, Solis N, Zaragoza O, Filler SG, Bassilana M, Arkowitz RA
mBio. 15 février 2022. DOI: https://doi.org/10.1128/mbio.03873-21  

Contact

Robert Arkowitz
Directeur de recherche CNRS à l'Institut de biologie Valrose (IBV) (Inserm / CNRS / Université Côte d'Azur)

Laboratoire

Institut de biologie Valrose (iBV) (CNRS / Inserm / Université Côte d'Azur)
Université Côte d'Azur
06108 Nice Cedex