Modifier l’altruisme grâce à la stimulation cérébrale

Résultats scientifiques Neuroscience, cognition

L’altruisme est un comportement humain caractérisé par des actes ne procurant pas d'avantages apparents et immédiats à l'individu qui les exécute mais qui sont bénéfiques à d'autres individus. Le réseau cérébral impliqué dans les donations altruistes a été identifié. Cependant, il restait à savoir si certaines régions spécifiques de ce réseau sont causalement impliquées dans l’altruisme. Des chercheurs de l'Institut des sciences cognitives Marc Jeannerod, en collaboration avec une équipe de Zurich, montrent que la jonction temporo-pariétale droite (JTP) joue un rôle causal clé dans la conduite du comportement altruiste humain. Ce travail est publié dans la revue elife.

Le fait de donner de façon altruiste est un trait important du comportement social qui favorise la formation de groupes sociaux stables et une reconnaissance mutuelle au sein du groupe où il est présent. Cependant, l'altruisme est intriguant car c’est un acte qui s’oppose souvent à son propre intérêt.

Des études d’imagerie cérébrale antérieures ont montré qu’un réseau cérébral composé de portions du cortex préfrontal et de la JTP droite est engagé dans le comportement altruiste. Cependant, la contribution précise de la JTP droite demeurait énigmatique. Plus précisément, trois fonctions possibles de cette région cérébrale ont été proposées dans l'altruisme humain, à savoir: (1) la motivation à aider, quelle que soit la nature morale (bonne ou mauvaise) du destinataire de la donation ; (2) le signalement d’un conflit entre valeurs morales et matérielles ; (3) la représentation de l’image que l’on veut donner à autrui, i.e. la volonté de se montrer généreux lorsqu’on est observé par autrui (réputation sociale).

Pour tester ces trois hypothèses, des participants devaient prendre des décisions pour accepter ou non de donner à deux types différents d’organisation ayant des valeurs morales opposées : une organisation caritative ou une organisation promouvant l’utilisation des armes à feu. Les choix de donner à l’organisation caritative nécessitaient de peser le pour et le contre entre un bénéfice moral (donner à autrui) et un coût monétaire pour soi-même. Les choix de donner à la mauvaise cause consistaient au contraire à peser entre un coût moral et des gains monétaires pour soi-même. Tous ces choix étaient effectués en public ou en privé.

Le fait de perturber la JTP droite au moyen d’une stimulation magnétique transcrânienne a spécifiquement réduit l’impact comportemental du conflit entre bénéfices/coûts moraux et matériels. Cette stimulation n’a pas changé la motivation générale à donner en public par rapport aux choix réalisés en privé, ce qui montre qu’elle ne modifie pas le fait d’être altruiste simplement pour être mieux vu par autrui (hypothèse de réputation sociale). La stimulation de la JTP ne module pas non plus la motivation générale à l’altruisme puisque les donations augmentaient seulement pour l’organisation caritative mais étaient réduite pour la ‘mauvaise’ organisation.

Cette étude révèle que la stimulation de la JTP droite réduit l’impact des motifs financiers qui sont en conflit avec l’option par défaut prescrite par les principes moraux (aider une organisation caritative et ne pas aider une organisation jugée moralement inacceptable). La signalisation d’un conflit moral vs financier est donc un mécanisme fondamental de la JTP droite pouvant contribuer à une variété de comportements moraux humains. Ces résultats montrent que la stimulation magnétique de la JTP droite peut augmenter certaines de nos comportements altruistes, ce qui pourrait avoir des applications cliniques dans certaines neuropathologies.

 

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Figure : A. La stimulation magnétique transcrânienne (TMS) est appliquée sur la JTP droite chez le groupe (TPJ/panneaux de droite) et appliquée au niveau du vertex (panneaux de gauche) chez le groupe contrôle. B.C. Cartes colorées représentant la probabilité d’accepter de donner à l’organisation caritative (B) et à la mauvaise cause (C). Les couleurs chaudes représentent les fortes probabilités d’accepter et les couleurs froides les faibles probabilités). La ligne noire pointillée représente la réponse du groupe contrôle montrant une probabilité de 50% d’accepter pour chaque niveau de coût/bénéfice. La ligne noire pleine représente l’effet de la stimulation magnétique transcrânienne sur les choix.

© Jean-Claude Dreher

 

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Contact

Jean-Claude Dreher
Chercheur CNRS à l'Institut des sciences cognitives (ISC) - Marc Jeannerod - (CNRS/Université Claude Bernard)