Lumière sur un récepteur du glutamate resté longtemps dans l’ombre

Résultats scientifiques Neuroscience, cognition

Parmi les récepteurs du glutamate, la famille delta est longtemps restée mystérieuse. C’est seulement récemment que des chercheurs ont montré que ce récepteur présentait, comme les autres récepteurs du glutamate, un canal ionique fonctionnel essentiel à l’activité des neurones. Dans cette nouvelle étude, publiée dans la revue Elife, les chercheurs ont développé un nouvel outil permettant de bloquer ce canal de manière précise par stimulation lumineuse, ouvrant la voie à l'étude de son rôle dans la communication inter-neuronale.

Les neurotransmetteurs sont de petites molécules libérées par le cerveau qui permettent la communication entre les neurones. Les récepteurs à la surface des neurones détectent ces neurotransmetteurs, assurant ainsi un lien entre l'intérieur et l'extérieur de la cellule. Le glutamate est l'un des principaux neurotransmetteurs et est impliqué dans pratiquement toutes les fonctions cérébrales. Il se lie à deux types de récepteurs différents dans les neurones : les récepteurs ionotropes et métabotropes. Les récepteurs ionotropes ont des pores appelés canaux ioniques, qui s'ouvrent lorsqu'ils se lient au glutamate. Il s'agit d'une réponse rapide qui permet aux ions sodium de s'écouler dans le neurone, déclenchant ainsi l'excitation. À l'inverse, les récepteurs métabotropes déclenchent une série de réactions enzymatiques à l'intérieur de la cellule qui entraînent une réponse physiologique. Les récepteurs métabotropes mettent plus de temps que les récepteurs ionotropes à provoquer une réponse dans la cellule, mais leurs effets durent beaucoup plus longtemps.

Un type de récepteurs, connu sous le nom de famille delta ou GluD, est très similaire aux récepteurs ionotropes mais ne répond pas au glutamate, et ne lie pas ce neurotransmetteur. Au lieu de cela, il a été montré que le canal ionique des récepteurs GluD s'ouvre après avoir été activé par les récepteurs métabotropes du glutamate. Les récepteurs GluD sont exprimés dans tout le cerveau et jouent un rôle dans la formation et la stabilité des synapses, mais leur mode de fonctionnement reste flou. Un obstacle à la compréhension du fonctionnement des récepteurs GluD est le manque d’outils pharmacologiques pouvant bloquer l'activité des canaux ioniques de ces récepteurs de manière spécifique.

Les scientifiques ont développé un outil qui permet de contrôler le canal ionique des récepteurs GluD à l'aide de la lumière. Des cellules humaines cultivées en laboratoire ont été génétiquement modifiées pour produire une version de GluD2 (un membre de la famille GluD) sur laquelle peut être greffée une molécule sensible à la lumière appelée MAGu. Dans l'obscurité ou à la lumière verte, la molécule photosensible bloque le canal et empêche le passage des ions. Sous lumière violette, le MAGu se tord et les ions peuvent passer par le canal. Les chercheurs ont pu valider des recherches antérieures montrant que l'activation des récepteurs métabotropes du glutamate peut déclencher l'ouverture des GluDs. La prochaine étape consistera à tester cette approche dans les neurones. Ce nouvel outil opto-pharmacologique aidera les chercheurs à comprendre le rôle que jouent les canaux ioniques GluD dans la communication entre les neurones.

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© Antoine Taly

Figure : Haut: Approche pour bloquer le canal ionique de GluD2. Une molécule photoconvertible, le MAGu, est attachée de manière covalente à l’entrée du canal. Elle change de configuration en fonction de la longueur d’excitation. Sous forme étirée après stimulation à 525nm le MAGu bloque le canal. Sous forme coudée après excitation à 365nm, les ions peuvent traverser le canal. Bas : Modélisation moléculaire de la structure de GluD2 (orange et vert) montrant le canal ionique (gris) en présence de MAGu.

 

Pour en savoir plus:

Probing the ionotropic activity of glutamate GluD2 receptor in HEK cells with genetically-engineered photopharmacology.
Lemoine D, Mondoloni S, Tange J, Lambolez B, Faure P, Taly A, Tricoire L, Mourot A.

Elife. 2020 Oct 28;9:e59026. doi: 10.7554/eLife.59026.

Contact

Ludovic Tricoire
Chercheur CNRS au Neurosciences Paris-Seine
Alexandre Mourot
Chercheur Inserm au Neurosciences Paris-Seine

Laboratoire

Neuroscience Paris Seine, Institut de biologie Paris Seine - (CNRS/Inserm/Sorbonne Université)
9, quai Saint Bernard case 16

75005 Paris