Les transporteurs membranaires fractionnent les isotopes stables du lithium

Résultats scientifiques Biologie cellulaire

En couplant des mesures de transport ionique à des analyses isotopiques, les scientifiques ont montré que des protéines de transport membranaire fractionnent les isotopes du lithium. Ce travail publié dans la revue iSciences, outre le fait qu’il apporte des connaissances nouvelles sur le fonctionnement des transporteurs membranaires ouvre de nombreuses questions. En effet le rapport entre les isotopes du Li à la surface de la terre est utilisé pour reconstruire les climats passés. L’impact d’un tri par les organismes vivants devra être pris  en compte.

Il existe deux isotopes stables du lithium, le 6Li et le 7Li, et leur rapport isotopique présente la deuxième plus grande variation à la surface de la Terre. L’étude de ces variations constitue un outil largement utilisé pour reconstituer les températures passées des océans et les paléo-climats. Par ailleurs, de grandes variations ont également été mesurées entre différents organes d’animaux, végétaux terrestres et marins. Un problème central est donc la mise en évidence d’une possible contribution biologique à la distribution des isotopes du Li. La découverte d’un tel mécanisme aurait un impact fondamental sur nos connaissances en paléoclimatologie puisque les modèles actuels sont basés sur des mécanismes physicochimiques de diffusion des isotopes du lithium.

Sachant que le transport de lithium à travers les organes et tissus met en jeu des protéines membranaires appelées transporteurs ou canaux ioniques,  les scientifiques ont cherché à savoir si les variations observées pouvaient s’expliquer par un tri sélectif réalisé par ces protéines membranaires spécialisées.

Grâce aux mesures de ratio isotopiques d’ions Lithium transportés de l’extérieur vers l’intérieur des cellules par des échangeurs Li+-Na+/H+, les scientifiques ont découvert que ces transporteurs sont capables de transporter le 6Li plus rapidement que le 7Li. Il s’agit là de la démonstration que des protéines sont capables de fractionner des isotopes qui ne diffèrent que par un neutron. Ces échangeurs étant des transporteurs clef exprimés dans tous les organismes vivants, ces résultats suggèrent que le tri isotopique pourrait être une propriété biologique fondamentale. Cette même étude montre également l’existence d’une voie de tri isotopique plus modeste du Li à travers des canaux ioniques.

Un large ensemble de mesures pour préciser les mécanismes par lesquels ces échangeurs Li+-Na+/H+ fractionnent les isotopes du lithium ont permis de décrire de nouvelles propriétés biophysiques des transporteurs. Elles ont ainsi été révélées par la mesure des cinétiques de transport isotopique alors qu’elles étaient indétectables par mesure de simple transport ionique.

figure
© LP2M

Figure : A gauche : fractionnement isotopique du lithium transporté par différentes isoformes d'échange Na+/H+(NHE) exprimées dans des fibroblastes.
A droite : mécanisme schématique montrant un transport plus rapide du 6Li par un échangeur NA+/H+ aboutissant à un fractionnement intracellulaire.

Pour en savoir plus :
Biological fractionations of lithium isotopes by cellular ion exchangers demonstrate novel modes of transport.
Mallorie Poet & Nathalie Vigier & Yann Bouret, Gisele Jarretou, Maryline Montanes, Fanny Thibon, Vincent Balter & Laurent Counillon
iScience, (2023). DOI:https://doi.org/10.1016/j.isci.2023.106887

Contact

Laurent Counillon
Professeur des Universités à l'Université Côte d'Azur

Laboratoire

Laboratoire de physiomédecine moléculaire - LP2M (Université Côte d’Azur / CNRS)
Faculté de Médecine

28 avenue Valombrose
Tour Pasteur, 3eme étage
06107 Nice Cedex 2