Les premiers pas de la spéciation chez une orchidée
Dans une étude publiée dans New Phytologist des scientifiques explorent les premières étapes de la spéciation chez Ophrys aveyronensis, une orchidéee euro-méditerranéenne. Grâce à des analyses génétiques et phénotypiques, ils ont découvert un îlot génomique lié à des variations d’odeur, de couleur et de morphologie. Les préférences des pollinisateurs influencent la couleur et la forme des fleurs, mettant en lumière les mécanismes complexes d’adaptation et d’évolution dès le début de la formation d’une nouvelle espèce.
La spéciation est un processus par lequel de nouvelles espèces apparaissent. Cependant ses premières étapes restent encore mal comprises. Dans une récente étude, publiée dans New Phytologist, des scientifiques se sont penchés sur ce phénomène en étudiant une orchidée, Ophrys aveyronensis, connue pour son mécanisme unique de reproduction. Sa fleur imite l’odeur, la forme et la couleur de son pollinisateur afin de l’attirer. Cette orchidée, présente dans des zones géographiques isolées est un exemple récent et toujours en cours de spéciation allopatrique (l’apparition d’une nouvelle espèce à cause de la séparation géographique).
Pour décrypter les causes évolutives de cette divergence, les scientifiques ont analysé les caractéristiques des fleurs en utilisant des techniques récentes d’analyses quantitatives d’image et d'odeur. En parallèle, ils ont étudié leur ADN à l’aide de la génomique des populations grâce à une méthode appelée GBS (génotypage par séquençage). Cette approche leur a permis de repérer des différences génétiques et florales subtiles, malgré la taille conséquente du génome de cette plante (5-6 milliards de paires de base, soit presque le double du génome humain).
L'étude a mis en évidence une zone particulière dans le génome, un « îlot génomique », de 22 millions de paires de base, associée à des différences dans l’odeur des fleurs et la taille des plantes. Les gènes identifiés ne correspondent pas à ceux déjà connus pour influencer l’odeur des fleurs, mais ils pourraient jouer un rôle dans la production de certaines molécules liées aux acides gras.
Les scientifiques ont également observé que différents traits floraux évoluent sous des pressions de sélection distinctes :
La couleur des fleurs varie selon les préférences des pollinisateurs locaux (sélection divergente).
La taille des fleurs reste stable, car les pollinisateurs semblent préférer des fleurs de dimensions similaires, quelle que soit la population étudiée (sélection stabilisante).
En résumé, cette étude montre comment des mécanismes complexes entrent en jeu dès les premiers stades de la formation d’une nouvelle espèce, en particulier chez une plante étroitement adaptée à son pollinisateur. Elle propose aussi une méthode utile pour explorer l’évolution des plantes, y compris celles qui possèdent de grands génomes ou vivent dans des environnements variés.
Figure : Résumé graphique des résultats principaux de l’étude des mécanismes à l’oeuvre en debut de processif de speciation chez Ophrys aveyronensis
En savoir plus : Floral phenotypic divergence and genomic insights in an Ophrys orchid: unraveling early speciation processes Gibert, Anaïs; Schatz, Bertrand; Buscail, Roselyne; Nguyen, Dominique; Baguette, Michel; Barthes, Nicolas; Bertrand, Joris A. M. Accepted in New Phytologist - Novembre 2024. DOI: 10.1111/nph.20190
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