Les métaux dans le corps : biomarqueurs du vieillissement et de la santé métabolique
Dans cet article paru dans la revue Nature communications, les scientifiques montrent le potentiel de l’analyse des métaux dans les échantillons vivants. En combinant une quantification très précise des métaux avec une étude biologique et informatique, ils établissent que la répartition des métaux dans le corps évolue avec l’âge de façon extrêmement reproductible, et que les fluctuations des métaux sont associées à la santé métabolique des souris.
Tous les organismes vivants sont composés à 99% en masse par des éléments dits organiques, l'hydrogène, le carbone, l'oxygène et l'azote, le pourcent restant étant représenté par des métaux. L’ensemble de ces métaux, le "métallome", est essentiel à la vie car il est impliqué dans tous les aspects de la biochimie de la cellule, dont l’activité électrolytique et le contrôle redox, la structure et la conformation des protéines, la signalisation intra et extracellulaire. En conséquence de son rôle fondamental dans les processus du vivant, le métallome est extrêmement conservé depuis les bactéries jusqu’aux mammifères, mais ses interactions avec l’ensemble des gènes, des protéines, des métabolites ou même des traits physiologiques, étaient jusqu’à présent inconnues. Des études avaient cependant déjà démontré l’implication du métallome dans le vieillissement et les potentielles maladies neurodégénératives associées. Grâce à une collaboration internationale de géochimistes français et de biologistes suisses, le voile commence à être levé sur les modifications conjointes du métallome, protéome (ensemble des protéines), métabolome (ensemble des métabolites) et du phénome (ensemble des traits phénotypiques) lors du vieillissement de la souris. Les géochimistes ont pu mesurer, outre la concentration des métaux, la composition isotopique (autrement dit les variations des rapports des isotopes stables) du cuivre et du zinc, connus chez les éléments organiques pour évoluer au cours de la sénescence de la levure de bière.
Les résultats obtenus grâce à une intégration bioinformatique de l’ensemble des données, montrent que les réseaux d’interactions entre le métallome et les autres pools de molécules évoluent avec l’âge, sont différents en fonction des organes (cerveau, foie, muscle, cœur et rein) et sont signés isotopiquement. La comparaison avec une étude américaine montre une conservation exceptionnelle de la répartition des métaux dans les organes et de l’effet de l’âge sur le métallome.
Les éléments redox-sensibles, notamment le fer et le cuivre, se sont révélés être particulièrement impliqués dans le vieillissement. S'accumulant de façon saine dans le cerveau, leur présence y précède donc la formation pathologique d’agrégats de protéines atypiques auxquels ils sont classiquement associés dans les maladies neurodégénératives. Dans le foie, le fer et le cuivre sont associés au pourcentage de graisse de l’animal et à sa capacité physique générale, ainsi qu’à l’activité mitochondriale. Ces résultats sont corroborés à l’échelle cellulaire car cette étude démontre aussi que le fer et le cuivre sont associés à l’adipogenèse (la formation des tissus adipeux) et la signalisation OXPHOS (phosphorylation oxydative) des mitochondries hépatiques.
L’approche intégrative de ce travail a permis de révéler une multitude d’autres implications du métallome qu’il faut maintenant tester expérimentalement dans d’autres modèles animaux.
Pour en savoir plus :
The mouse metallomic landscape of aging and metabolism.
Morel JD, Sauzéat L, Goeminne LJE, Jha P, Williams E, Houtkooper RH, Aebersold R, Auwerx J, Balter V. Nat Commun. 1er février 2022. doi: 10.1038/s41467-022-28060-x.
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