Les métabolites des hormones stéroïdes activent l'inflammasome pyrine
L’inflammasome pyrine est un complexe immun connu pour son importance dans les réponses antibactériennes. L'étude parue dans la revue Cell Reports change ce paradigme en montrant que la pyrine est activée par les dérivés des hormones sexuelles, progestérone et testostérone, des molécules endogènes, produites dans notre organisme, sans association avec une infection bactérienne.
Les inflammasomes sont des complexes de l’immunité innée qui permettent une réponse rapide à des infections microbiennes mais sont aussi impliqués dans des processus d'inflammation stériles liés à des perturbations homéostatiques ou à des signaux de danger.
L'inflammasome pyrine est un type d’inflammasome activé par des toxines (par exemple celles de Clostridioides difficile) et des effecteurs bactériens (par exemple des facteurs de virulence de Yersinia pestis, l'agent de la peste). Le mécanisme d’activation de l'inflammasome pyrine est encore mal décrit mais passe par deux étapes. L’inflammasome pyrine est associé à deux maladies rares monogéniques auto inflammatoires : la Fièvre Méditerranéenne Familiale (FMF) et la PAAND (Pyrin-Associated Autoinflammation with Neutrophilic Dermatosis). Les mutations du gène MEFV (codant la pyrine) observées chez les patients PAAND conduisent à une activation constitutive de la première étape d’activation. Les patients FMF, au contraire, présentent une activation constitutive de la deuxième étape d’activation, étape encore incomprise.
Les scientifiques ont criblé une chimiothèque de plus de 2000 molécules. Ce crible a été réalisé sur des monocytes humains modifiés génétiquement sur le gène MEFV de façon à identifier spécifiquement de nouveaux activateurs de pyrine ciblant cette deuxième étape. Deux molécules, la pregnanolone et la testostérone, produites par catabolisme des hormones sexuelles progestérone et testostérone ont été identifiées. Ce résultat révèle une nouvelle fonction de l'inflammasome pyrine indépendante de son activité antimicrobienne: la capacité de l'inflammasome pyrine à détecter des molécules que notre organisme est capable de produire ("des molécules du soi") : les catabolites des hormones sexuelles stéroïdes. Ce résultat a été validé sur des cellules primaires humaines y compris de patients souffrant de maladies rares grâce à plusieurs collaborations européennes.
De manière importante, ces molécules activent l'inflammasome pyrine via un processus différent de celui mis en jeu par les toxines bactériennes et qui nécessite le domaine B30.2 de la protéine pyrine. Ce domaine protéique contient une poche hydrophobe qui pourrait directement lier ces molécules et qui est le domaine le plus souvent muté chez les patients FMF.
La découverte de facteurs endogènes capables d’activer pyrine pourrait aider à comprendre les facteurs déclenchant les crises inflammatoires et les épisodes de fièvre chez les patients autoinflammatoires. En particulier, il existe des liens entre le cycle menstruel (fortement lié au catabolisme de la progestérone) et les crises chez les patientes FMF. Une étude clinique permettra d'évaluer si les niveaux de pregnanolone (le catabolite de la progesterone) corrèlent avec la fièvre et l'inflammation systémique chez les patientes FMF.
Dans l’attente de pouvoir répondre à ces questions, cette étude a résolu une énigme datant de plus de 60 ans. Dans ces études historiques, l’injection d’etiocholanolone ou de pregnanolone à des volontaires sains déclenchait des fortes fièvres, un phénomène mystérieux appelé "fièvres stéroïdes". Aujourd’hui, nous pouvons conclure que l’origine de ces fièvres stéroïdes est due à l’activation de l’inflammasome pyrine.
Pour en savoir plus :
Steroid hormone catabolites activate the pyrin inflammasome through a non-canonical mechanism.
Magnotti F, Chirita D, Dalmon S, Martin A, Bronnec P, Sousa J, Helynck O, Lee W, Kastner DL, Chae JJ, McDermott MF, Belot A, Popoff M, Sève P, Georgin-Lavialle S, Munier-Lehmann H, Tran TA, De Langhe E, Wouters C, Jamilloux Y, Henry T.
Cell Rep. 11 octobre 2022. doi: 10.1016/j.celrep.2022.111472.
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