Les androgènes : un régulateur clé de l’asthme dans les deux sexes

Résultats scientifiques Immunologie, infectiologie

L'asthme allergique, maladie respiratoire la plus répandue dans le monde, affecte plus fréquemment et plus sévèrement les femmes que les hommes à l’âge adulte. Des études récentes convergent en faveur d’un rôle bénéfique des androgènes dans l’asthme chez la souris et l’Homme, mais les mécanismes et la cible cellulaire des androgènes dans les poumons restent encore à définir. Cet article,  publié dans la revue  Journal of Allergy and Clinical Immunology, met en évidence qu'un traitement de courte durée avec des androgènes permet de réduire significativement la sévérité de l'asthme allergique en ciblant un médiateur central de la pathologie, les ILC2, (cellules lymphoïdes innées de type 2) y compris chez les souris femelles.

L’asthme est une pathologie respiratoire hétérogène caractérisée par une inflammation chronique des voies respiratoires inférieures, une hyperréactivité et un remodelage des voies bronchiques. C’est à ce jour la maladie respiratoire la plus fréquente dans le monde avec environ 235 millions de personnes atteintes selon l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS). En France, elle affecte 10 % de la population enfantine et 6% de la population adulte avec des disparités de sexe. Alors que l'asthme est plus fréquent chez les garçons de la naissance à la puberté, il s'aggrave et devient plus répandu chez les femmes après la puberté. Bien que depuis quelques années s'ajoutent aux traitements classiques par corticoïdes, des biothérapies pouvant être efficaces bien que coûteuses, de nombreux patients restent en échec thérapeutique et le développement de nouvelles pistes de traitement est plus que jamais justifié.

Les cellules lymphoïdes innées du groupe 2 (ILC2) sont récemment apparues comme des médiateurs centraux de l'asthme allergique. Les ILC2s sont présentes au niveau des tissus barrières comme la peau, l’intestin et les poumons où elles se maintiennent de manière autonome à l’âge adulte. Suite à la lésion de l'épithélium bronchique par des allergènes, elles agissent comme première ligne de défense immunitaire en produisant très rapidement des cytokines de type Th2, comme l’IL-5 et l’IL-13, et des protéines impliquées dans la réparation tissulaire.

En 2017, les scientifiques avaient montré que les androgènes, naturellement présents en grande quantité chez les souris mâles, diminuent le nombre et les fonctions des ILC2 pulmonaires. Ce biais de sexe pourrait contribuer à expliquer la susceptibilité réduite des souris mâles à développer un asthme allergique. Ils démontrent ici qu'un traitement de courte durée avec des androgènes permet de diminuer significativement le nombre d'ILC2 dans les tissus pulmonaires de souris femelles et de réduire efficacement la sévérité de l’inflammation pulmonaire induite par l’activation des ILC2s en réponse à de multiples stimuli incluant des allergènes. Cet effet est maintenu en l’absence de lymphocytes T et B, suggérant un effet intrinsèque dans les ILC2s. Effectivement, les androgènes ciblent directement les ILC2 qui expriment un récepteur aux androgènes fonctionnel. Afin d’étudier le rôle du récepteur inhibiteur KLRG1 dans l'inhibition de l‘inflammation induite par les ILC2 pulmonaires chez les mâles, les chercheurs ont réalisé, à l’aide de la technique des ciseaux moléculaires CRISPR/Cas9 des souris déficientes pour ce gène. De manière inattendue, et alors que l’expression de KLRG1 est augmentée par les androgènes, les chercheurs ont exclu un rôle de cette molécule dans l’inhibition des ILC2 pulmonaires chez les mâles.

Cette étude apporte la preuve de concept qu'un traitement ciblant le récepteur aux androgènes dans les ILC2s, y compris chez les souris femelles, peut jouer un rôle bénéfique dans l'asthme allergique, renforçant la notion émergente du rôle protecteur des androgènes dans cette pathologie.

 

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© Sophie Laffont & Jean-Charles Guery
Figure : Coupes pulmonaires de souris asthmatiques femelles qui ont été traitées ou non avec de la testostérone. Les coupes ont été colorées avec de l'hématoxyline/éosine afin d'évaluer l'infiltration de cellules immunitaires dans les poumons, reflet de la sévérité de la maladie.
 

Pour en savoir plus :
Targeting androgen-signaling in ILC2s protects from IL-33-driven lung inflammation, independently of KLRG1
Eve Blanquart, Audrey Mandonnet, Marion Mars, Claire Cenac, Nina Anesi, Pascale Mercier, MSc, Christophe Audouard, Stephane Roga, Gilberto Serrano de Almeida, Charlotte L. Bevan, Jean-Philippe Girard, PLucette Pelletier, Sophie Laffont, and  Jean-Charles Guéry
Journal of Allergy and Clinical Immunology , 5 mai 2021

https://doi.org/10.1016/j.jaci.2021.04.029

Contact

Sophie Laffont
Chercheuse CNRS à l'Institut Toulousain des maladies infectieuses et inflammatoires (Inserm/CNRS)
Jean-charles Guéry
Chercheur INSERM à l'Institut Toulousain des maladies infectieuses et inflammatoires (Inserm/CNRS)

laboratoires

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