Le voyage de millions de piRNAs commence en un foyer unique nucléaire
Les petits ARN interférents piRNAs, ou Piwi-interacting RNAs, assurent la mise sous silence des éléments transposables dans l’appareil reproducteur. L’équipe de Chantal Vaury, au laboratoire Génétique, reproduction et développement, a élucidé chez la drosophile le mécanisme moléculaire de l’export des transcrits précurseurs des piRNA hors du noyau des cellules somatiques ovariennes. Ces précurseurs sont transférés vers une structure nucléaire unique, le Dot COM, avant leur export par un complexe d’exportines qui constitue le signal d’assemblage de la machinerie cytoplasmique nécessaire à leur maturation en piRNAs. Ces travaux ont été publiés le 8 décembre dans la revue Nature Communications.
Les éléments transposables sont des séquences d’ADN répétées capables de se déplacer d’un site chromosomique à l’autre. Semblables aux rétrovirus exogènes actuels, ces éléments mutagènes sont retrouvés dans le génome de presque tous les êtres vivants et représentent 45% du génome humain et 18% du génome de Drosophila melanogaster. Un contrôle strict de leur expression est essentiel pour empêcher que leur mobilisation n'engendre des réarrangements génomiques potentiellement délétères pour la survie de l’hôte. Dans l’appareil reproducteur, la mise sous silence des éléments transposables est primordiale pour la préservation de l’intégrité de l’information génétique transmise à la descendance. Le contrôle des éléments transposables y est assuré par la voie des piRNAs.
Les piRNAs sont une classe de petits ARNs de 23-29nt exprimés essentiellement dans les gonades. Chez la drosophile, les piRNAs proviennent de la maturation de longs ARNs précurseurs transcrits à partir de régions génomiques particulières, majoritairement hétérochromatiques, appelées clusters de piRNAs. Ces clusters, qui peuvent s’étendre sur plusieurs centaines de kilobases, sont composés en grande partie d’éléments transposables entiers et tronqués enchevêtrés. Après leur maturation dans le cytoplasme, les piRNAs sont chargés sur une protéine effectrice de la famille PIWI. Le complexe RISC (RNA-induced silencing complexe) formé cible et clive les ARNs de séquence complémentaire, induisant une mise sous silence transcriptionnelle ou post-transcriptionnelle des éléments transposables.
L’équipe de Chantal Vaury avait précédemment montré que les transcrits produits par les différents clusters de piRNAs exprimés dans les cellules somatiques ovariennes de drosophile sont activement transportés à travers le nucléoplasme et se rassemblent en un foyer nucléaire unique. Ce foyer, appelé Dot COM car il contient notamment les transcrits du cluster de piRNAs flamenco/COM (flam) majoritairement exprimé dans ces cellules, a une localisation particulière : situé à la périphérie nucléaire, il est éloigné du locus génomique flam et fait face à la machinerie cytoplasmique de maturation des piRNAs (Dennis & al., 2013. PLoS One. Sep 9;8(9):e72752.)
Dans cette nouvelle étude, les chercheurs montrent que le Dot COM correspond au site d’export des ARNs précurseurs vers leur machinerie cytoplasmique de maturation. L’export est assuré par le complexe d’exportines Nxf1-Nxt1. En absence de la protéine Nxt1, les ARNs précurseurs ne sont pas exportés et se retrouvent accumulés dans le Dot COM, il n’y a pas de production de piRNAs et les éléments transposables sont exprimés. De plus, dans ce contexte, la machinerie cytoplasmique de maturation des piRNAs n’est pas assemblée, suggérant que l’export des ARNs précurseurs constitue le signal d’assemblage de leur propre machinerie de maturation.
Outre leur rôle dans l’export des ARNs précurseurs, les exportines Nxf1-Nxt1 sont également requises, avec le complexe exon-jonction (EJC), pour le transfert nucléaire actif des ARNs précurseurs flam de leur site de transcription au Dot COM. En effet, en absence de ces protéines, les ARNs flam sont bloqués à leur site de transcription. Ils peuvent cependant être exportés dans le cytoplasme directement depuis leur site de transcription en contextes mutants pour les composants de l’EJC dans lesquels l’export n’est pas altéré.
En savoir plus
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Export of piRNA precursors by EJC triggers assembly of cytoplasmic Yb-body in Drosophila.
Nat Commun. 2016 Dec 8;7:13739. doi: 10.1038/ncomms13739.
Dennis C, Brasset E, Sarkar A, Vaury C.