Le récepteur A2a, un détecteur de synapses actives au cours du développement
Au cours du développement, les connexions synaptiques entre neurones sont produites en surnombre. Seules les synapses actives -capables de libérer le neurotransmetteur- sont maintenues. Le mécanisme par lequel le cerveau en développement se débarrasse des synapses surnuméraires est révélé dans cette étude, publiée dans la revue Science. Les scientifiques montrent la contribution du récepteur de l'adénosine de type 2A (A2A) localisé au niveau des synapses et qui s'active lorsque des molécules d'adénosine, libérées par les neurones, viennent s'y fixer. En l’absence d’une libération d’adénosine et donc d’activation du récepteur A2A pendant plus de 20 minutes, les synapses sont rapidement éliminées.
Les circuits cérébraux passent par différentes phases de formation, de stabilisation ou d'élimination des connexions synaptiques inter-neuronales. Les mécanismes par lesquels certaines synapses sont stabilisées ou supprimées au cours du développement sont mal compris. Cela nécessite l'existence d'une machinerie comprenant un détecteur d'activité de la terminaison présynaptique et un mécanisme qui élimine la synapse lorsque le détecteur n'est pas activé.
Les scientifiques montrent, sur la synapse inhibitrice GABAergique de l’hippocampe, que le récepteur A2A activé par l'adénosine, un produit de transformation de l’ATP, peut remplir toutes ces fonctions. Le récepteur A2A peut détecter la libération d'adénosine/ATP en fonction de l'activité de la synapse. Une fois activé, le récepteur A2A déclenche une augmentation du niveau intracellulaire d'AMP cyclique, ce qui entraîne à son tour l'activation de la Protéine kinase A et la stabilisation des synapses GABAergiques en maintenant les molécules trans-synaptiques Slitrk3 et PTP δ. La non-activation du récepteur A2A pendant plus de 20 minutes empêche l’activation de cette signalisation et la stabilisation des synapses, les synapses inactives étant alors rapidement éliminées.
Le détecteur de synapses actives est opérant pendant une fenêtre temporelle péri-natale. Les pics de libération d’adénosine et d’expression du récepteur A2A diminuent dans la plupart des régions du cerveau après la phase critique de synaptogenese pour se stabiliser à un niveau bas tout ou long de la vie. La caféine, la drogue psychoactive la plus couramment consommée dans le monde, y compris pendant la grossesse et l'allaitement, est un bloqueur naturel du récepteur A2A. L'exposition à la caféine pendant la période péri-natale de la synaptogenèse pourrait déclencher la suppression de certaines synapses, avec des effets délétères à long terme. Des données du laboratoire montrent qu’une exposition transitoire à la caféine pendant cette phase péri-natale cruciale du remaniement synaptique amène à des déficits cognitifs. De plus, des travaux récents ont montré une régulation à la hausse du récepteur A2A dans le cerveau âgé qui serait corrélé au déclin de la fonction synaptique et à la neurodégénération.
Des études futures diront si le mécanisme identifié ici de stabilisation/élimination des synapses au cours du développement est réactivé dans les maladies neurodégénératives comme la maladie d’Alzheimer et si le ciblage de cette voie pourrait limiter la perte synaptique et le déclin cérébral.
Pour en savoir plus :
Convergence of adenosine and GABA signaling for synapse stabilization during development.
Gomez-Castro F, Zappettini S, Pressey JC, Silva CG, Russeau M, Gervasi N, Figueiredo M, Montmasson C, Renner M, Canas PM, Gonçalves FQ, Alçada-Morais S, Szabó E, Rodrigues RJ, Agostinho P, Tomé AR, Caillol G, Thoumine O, Nicol X, Leterrier C, Lujan R, Tyagarajan SK, Cunha RA, Esclapez M, Bernard C, Lévi S.
Science. 5 novembre 2021. doi: 10.1126/science.abk2055.
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