Le cannibalisme des araignées: une conséquence de l'isolement social

Résultats scientifiques Neuroscience, cognition

Les araignées sont majoritairement solitaires et agressives à l'âge adulte mais les juvéniles de toutes les espèces présentent une phase grégaire temporaire caractérisée par un degré élevé de tolérance. Une étude publiée dans la revue PloS Biology démontre que le développement des comportements agressifs est la conséquence de l'isolement social résultant de la dispersion. Ces travaux ouvrent de nouvelles perspectives pour la compréhension de l'évolution de la socialité chez les arthropodes.

La vaste majorité des 50 000 espèces d'araignées est solitaire. Chez ces espèces, les interactions entre adultes sont limitées à l'accouplement et, en dehors de cette période, les araignées sont généralement agressives envers les congénères, voire cannibales. En revanche, toutes les espèces d'araignées présentent une phase grégaire temporaire caractérisée par un degré élevé de tolérance entre les juvéniles. Après quelques jours, les jeunes araignées s'éloignent progressivement du groupe social ce qui conduit au développement d'une vie solitaire.

Les chercheurs ont examiné les mécanismes responsables du déclin de la perte de la tolérance et de la cohésion sociale chez l'araignée Agelena labyrinthica, espèce solitaire largement répandue en France. En combinant des approches expérimentales et théoriques, ils ont montré que la dissociation des groupes sociaux ne résultait pas d'une modification de la nature des interactions sociales mais d'un accroissement de la mobilité associé à des processus maturationnels. Ainsi ni le déclin de l'attraction mutuelle ni l'augmentation des comportements agressifs ne sont à l'origine de la dispersion.

Se posait alors la question d'identifier les causes de la perte de tolérance sociale. Pour y répondre, les chercheurs ont maintenu des jeunes araignées seules ou en groupe pendant 20 jours. A l'issue de cette période, ils ont observé que l'appariement de deux araignées maintenues isolément conduisait à de violentes agressions et au cannibalisme. En revanche, les araignées maintenues en groupe ne présentaient aucun comportement agressif (On peut noter qu'une trentaine d'espèces d'araignées ont développé une vie sociale permanente caractérisée par une absence de dispersion et par l'existence de comportements de coordination et coopération sophistiqués lors des activités de chasse ou de construction de la toile).

Ces résultats suggèrent que l'isolement social conduit à une altération de la réaction des araignées aux stimuli émis par les congénères. L'apparition de l'agressivité serait la conséquence, et non la cause, de la dispersion. Comprendre les processus impliqués dans la dispersion des araignées solitaires peut fournir de précieux indices sur les mécanismes ayant présidé au développement de formes de vie sociale pérenne.

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Figure : Fréquence de cannibalisme observée chez des araignées maintenues groupées ou isolées pendant 20 jours suite à leur éclosion.

© DAVID VILLA SCIENCEIMAGE CBI CNRS

 

Pour en savoir plus :

Social intolerance is a consequence, not a cause, of dispersal in spiders.
Chiara V, Ramon Portugal F, Jeanson R.

PLoS Biol. 2019 Jul 2;17(7):e3000319. doi: 10.1371/journal.pbio.3000319. eCollection 2019 Jul.

Contact

Raphaël Jeanson
Chercheur CNRS au Centre de recherches sur la cognition animale (CRCA) - (CNRS/Univ. Paul Sabatier)