L’architecture du sommeil : la clé pour une mémoire optimale

Résultats scientifiques Neuroscience, cognition

Dans une étude publiée dans Nature Communications, des scientifiques révèlent, chez le rat, comment les cycles de sommeil influencent la dynamique des connexions neuronales qui sous-tendent la mémoire. Si l’on savait déjà que le sommeil aide à l’encodage des informations, ces résultats démontrent que l’organisation du sommeil est l’élément clé de la consolidation de la mémoire. Ils permettent ainsi d’expliquer comment de petits dormeurs peuvent avoir d’excellentes capacités mnésiques.

Le cerveau fonctionne grâce à la communication entre différentes zones cérébrales. Ces échanges sont possibles grâce à des réseaux de neurones qui interagissent entre eux via des connexions appelées « synapses ». La force de ces connexions peut changer en fonction de nos activités et de nos expériences, ce qui est fondamental pour comprendre comment nous traitons, mémorisons et rappelons les informations.

La force des connexions neuronales change au cours de la journée

Dans une étude publiée dans la revue Nature Communications, les scientifiques montrent que la force de ces connexions neuronales varie régulièrement au cours de la journée, en lien avec les cycles de veille et de sommeil. Ils ont observé, chez le rat, que pendant les périodes où les animaux étaient éveillés et actifs, les connexions dans certaines parties du cerveau, y compris celles qui traversent l'hippocampe (une région clé du cerveau impliquée dans la mémoire et l'apprentissage), étaient plus fortes. En revanche, durant les périodes de sommeil profond ou paradoxal, ces connexions se sont avérées plus faibles. Cela suggère que le cerveau renforce certaines connexions durant les périodes d'éveil, puis les affine pendant le sommeil.

Cette observation confirme une idée importante en neuroscience : le sommeil joue un rôle essentiel dans la consolidation de la mémoire. Il permet au cerveau de renforcer, traiter et stocker les informations acquises durant l'éveil. Cependant, cette étude montre en plus que ce n’est pas simplement la quantité de sommeil qui affecte la mémoire, mais aussi la manière dont il est organisé.

Un modèle mathématique pour comprendre la dynamique de ces connexions

Pour mieux comprendre cette dynamique de la connectivité neuronale, les scientifiques ont élaboré un modèle mathématique. Ce modèle prédit comment la force des connexions évolue au cours du temps, en fonction des cycles de veille et de sommeil. Il a permis de simuler et d'expliquer les observations expérimentales, montrant que les périodes de sommeil profond et paradoxal jouent un rôle crucial dans la réorganisation et la consolidation des réseaux neuronaux qui sous-tendent la mémoire.

L’essentiel réside dans la qualité du sommeil plutôt que dans la quantité

Cette étude montre comment l’alternance veille-sommeil permet non seulement de stocker l'information, mais aussi d'encoder de nouvelles connaissances dans les réseaux neuronaux du cerveau. Ce processus n'est pas passif ; le cerveau réorganise activement ses connexions pour optimiser la mémoire.

L'idée que le sommeil joue un rôle dans l'encodage des informations n’est pas nouvelle, mais cette étude démontre expérimentalement et théoriquement comment s’effectue cet encodage. Elle permet d’expliquer pourquoi certaines personnes, même avec peu de sommeil, sont capables de consolider efficacement des souvenirs et d’avoir d'excellentes capacités mnésiques. Ces résultats ouvrent des pistes pour comprendre pourquoi certaines personnes semblent mieux s'adapter au manque de sommeil, en mettant l'accent sur l'efficacité de l'organisation de leur sommeil, plutôt que sur sa quantité.

© Paul Marchal, Paul A. Salin, Gaël Malleret, Jean-Christophe Comte

Figure : Illustration de la construction du modèle mathématique de la dynamique de la force synaptique en fonction de l’alternance des états de vigilance. La cross-correlation de la force synaptique avec chacun des états de vigilance permet de calculer le poids relatif et le retard de chacun des états de vigilance dans la dynamique de cette force de connexion par un modèle linéaire. L’application de ce modèle à un hypnogramme quelconque permet la prédiction de la force synaptique en fonction de l’architecture temporelle des états de vigilance.

Référence : Dynamics of evoked responses in hippocampal pathways are encoded by the duration of vigilance states. Paul Marchal, Paul A. Salin, Mégane Missaire, Manon Rampon, Julien Carponcy, Régis Parmentier, Gina Poe, Gaël Malleret, Jean-Christophe Comte.
Nature Communications, 26 mars 2025, DOI : https://doi.org/10.1038/s41467-025-57976-3.

Contact

Jean-Christophe Comte
Ingénieur de recherche

Laboratoire

Centre de Recherche en Neurosciences de Lyon - CRNL (CNRS/Inserm/Université Claude Bernard)
CENTRE HOSPITALIER LE VINATIER
CH Le Vinatier, 
Bâtiment 462, Neurocampus,
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