L'accouplement, un facteur clé de la mémoire à long terme chez la drosophile
Une équipe de chercheurs vient de montrer que l'accouplement augmente fortement les capacités de mémorisation de la femelle drosophile. De manière surprenante, un peptide présent dans le sperme transite dans le cerveau des femelles pour y activer spécifiquement le circuit neuronal contrôlant la formation de la mémoire à long terme. Ce mécanisme permettrait aux femelles vierges d'avoir un comportement exploratoire plus audacieux, en ignorant les signaux de danger. Ces travaux sont publiés dans la revue Science Advances.
Est-ce que l’accouplement peut avoir un impact permanent sur les fonctions cognitives comme l’apprentissage ou la mémoire ? Les chercheurs viennent de montrer que les performances de mémoire aversive à long terme étaient fortement améliorées chez des femelles de drosophile après accouplement et que ce phénomène était lié à une petite protéine présente dans le sperme des mâles appelée « peptide sexuel ».
La reproduction chez les mammifères ou chez les insectes est souvent associée à des changements de comportement, comme lors de la prise alimentaire. En revanche, l'impact sur les fonctions cognitives reste peu étudié. Les chercheurs se sont intéressés au cas de la mémoire à long terme aversive chez la drosophile, qui se forme suite à la présentation répétée d'une molécule odorante associée à petits chocs électriques. En comparant la mémoire des femelles vierges et des femelles après accouplement, ils ont montré que les performances de mémoire à long terme étaient bien meilleures chez les femelles fécondées.
Les scientifiques ont également identifié l’élément qui influe sur ce comportement : un peptide présent dans le sperme du mâle, le peptide sexuel, déjà connu pour son rôle dans le contrôle de la ponte. Cette nouvelle étude montre que le peptide sexuel active spécifiquement une paire de neurones du cerveau sécrétant de la sérotonine. Cette activation ouvre la voie à la formation de la mémoire à long terme.
Les chercheurs s’interrogent maintenant sur les raisons de cet effet spectaculaire. Une hypothèse est que cette absence de mémoire à long terme aversive permette aux femelles vierges d’adopter un comportement plus exploratoire, augmentant les chances de trouver un partenaire de reproduction, et favorisant donc la survie de l’espèce. Une telle prise de risque a été observée chez la jeune souris. Par ailleurs, empêcher la formation de la mémoire à long terme représenterait une économie d'énergie utile pour le jeune adulte.
Pour en savoir plus :
A sperm peptide enhances long-term memory in female Drosophila
Scheunemann L, Lampin-Saint-Amaux A, Schor J and Preat T
Science advances 20 Nov 2019. DOI: 10.1126/sciadv.aax3432