La thérapie génique au secours des troubles musculaires liées aux traumatismes de la moelle épinière

Résultats scientifiques Neuroscience, cognition

Les accidents de la route et des chutes sont les premières causes de traumatismes de la moelle épinière. La plupart des patients développent progressivement des troubles sensori-moteurs avec douleurs et raideurs qui entravent la rééducation. Les traitements disponibles à ce jour ont de nombreux effets secondaires. Les scientifiques dans un article publié dans la revue Molecular Therapy, montrent, chez le rat, comment la thérapie génique permet de réduire ces troubles.

Nos muscles sont contrôlés par des neurones moteurs (motoneurones) situés dans la moelle épinière, qui reçoivent et intègrent des signaux excitateurs et inhibiteurs du système nerveux central, pour assurer la coordination fine de nos mouvements. Après une lésion de la moelle épinière, un dérèglement progressif de l’activité des motoneurones génère l’émergence des symptômes de spasticité. Elle est caractérisée par des contractions musculaires involontaires (spasmes), des co-contractions de muscles fonctionnellement opposés et une hyperexcitabilité des réflexes (hyperreflexie).

Les calpaïnes, directement liées au développement de la spasticité
 

Les facteurs intrinsèques responsables de ce dérèglement fonctionnel ont fait l’objet de plusieurs études. Parmi les acteurs clés de ces perturbations on trouve les calpaïnes, des enzymes dont l'activité s'intensifie de manière significative et inadéquate après une lésion de la moelle. Ainsi, ces enzymes clivent de manière inappropriée des canaux sodiques (Nav1.6), altérant leur inactivation et favorisant l’hyperexcitabilité des motoneurones.

Par ailleurs, à la surface des motoneurones, les calpaïnes vont également cliver des protéines membranaires KCC2 qui ne pourront plus assurer leur rôle dans l’expulsion des ions chlorures hors de la cellule. Un processus essentiel pour le maintien des fonctions inhibitrices des motoneurones.  L'altération de ces mécanismes par les calpaïnes est donc directement liée au développement de la spasticité.

Des vecteurs viraux pour améliorer la qualité de vie des patients souffrant de spasticité
 

Dans cet article publié dans la revue Molecular Therapy, les scientifiques ont  réduit les taux de calpaïne dans les motoneurones impactés par la lésion, tout en préservant les fonctions physiologiques de la calpaïne dans les autres neurones de la moelle épinière. A cette fin, ils ont adopté une approche innovante de thérapie génique, utilisant des vecteurs viraux reconnus pour leur innocuité, et spécialement conçus pour diminuer spécifiquement l’expression de la calpaïne1 dans les motoneurones.  Grâce à ce traitement ciblé, ils ont réduit l’expression de la calpaïne1 dans les motoneurones traités, entrainant une restauration notable des niveaux de KCC2. Cette restauration valide l'efficacité du traitement à limiter l'activité délétère de la calpaïne1 après une lésion de la moelle épinière. De plus on enregistre une diminution significative des symptômes de la spasticité. Ces résultats montrent que l’inhibition de calpaïne1 dans les motoneurones via la thérapie génique, en utilisant des vecteurs AAV non pathogènes, représente une approche innovante et prometteuse pour améliorer la qualité de vie des patients souffrant de spasticité.

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© Frederic Brocard
Figure : Deux groupes de rats spino-lésés (1) ont reçu des injections intrathécales (2) d’une solution contrôle ou de vecteurs viraux porteurs d’ARN réduisant l’expression du gène de la calpaïne1. Chez les animaux contrôles on observe une baisse des taux de KCC2 dans les motoneurones transfectés (3) et l’émergence de spasticité qui se traduit par une augmentation des spasmes musculaires, des co-contractions de muscles antagonistes (4) et une hyperreflexie. Chez les animaux ayant reçu les vecteurs viraux, l’inactivation de la calpaïne1 restaure les taux de KCC2 (5) dans les motoneurones transfectés et la spasticité est significativement réduite (6).

En savoir plus :
Kerzonkuf M, Verneuil J, Brocard C, Dingu N, Trouplin V, Ramirez Franco JJ, Bartoli M, Brocard F, Bras H. Knockdown of calpain1 in lumbar motoneurons reduces spasticity after spinal cord injury in adult rats. Mol Ther. 2024 Jan 29. doi: 10.1016/j.ymthe.2024.01.029

Contact

Hélène Bras
Chargée de recherche Inserm

Laboratoire

Institut de neurosciences de la Timone - INT (Aix-Marseille université/CNRS)
Campus santé Timone
27 boulevard Jean Moulin
13385 Marseille Cedex 5