La réparation de l’ADN filmée avec une précision atomique !
La photolyase est une enzyme qui capte la lumière visible afin de réparer un brin d’ADN endommagé par le rayonnement ultra-violet. Dans une étude parue dans la revue Science, des scientifiques ont réussi à visualiser les détails atomiques du mécanisme moléculaire de la réparation d’un brin d’ADN sur une échelle de temps allant de la centaine de picosecondes jusqu’à la centaine de microsecondes.
L’ADN est une molécule fragile qui peut être endommagée par les rayons ultraviolets. Parmi ces lésions, les plus fréquentes sont celles appelées « dimère cyclobutylique de pyrimidine » (ou lésion CPD) : deux bases nucléiques adjacentes se lient entre elles, ce qui casse leur interaction habituelle avec leurs partenaires sur l'autre moitié complémentaire de l'ADN, empêchant les mécanismes de réplication ou de transcription au-delà du point de lésion. Pour réparer ces lésions, l’enzyme photolyase utilise la lumière bleue qu’elle capte aidée par une ou plusieurs molécules appelées cofacteurs. Toutefois, le mécanisme précis de cette réaction n’avait, jusqu’à aujourd’hui, jamais été observé.
Un niveau de détail inégalé
Dans une étude parue dans la revue Science, des scientifiques ont utilisé deux grands instruments de type laser de rayons X à électrons libres (XFEL), le SwissFEL en Suisse et SACLA au Japon, pour visualiser le mécanisme moléculaire de réparation d'un brin d'ADN par l’enzyme photolyase provenant d’un microorganisme. Les outils utilisés leur ont permis d’obtenir un film moléculaire de la réaction entre 100 picosecondes (une picoseconde est à une seconde ce qu'une seconde est à environ 31 689 ans)[i] et 200 microsecondes (une microseconde est à une seconde ce qu'une seconde est à environ 2 ans), à un niveau de détail atomique jamais atteint auparavant.
Le mécanisme ainsi observé se déroule comme suit : dans un premier temps, l’enzyme photolyase équipée de son cofacteur flavine (ici une molécule de FAD) vient se fixer sur l’ADN lésé. Lorsque le cofacteur absorbe un photon de lumière bleue, un électron est transféré très rapidement du cofacteur vers l'ADN, puis les deux liaisons covalentes entre les deux bases adjacentes sont rompues successivement. S’ensuit le réarrangement des différents groupes chimiques impliqués dans la réaction, avec le retour d’un électron vers le cofacteur. Enfin, les deux bases de l'ADN réparées basculent depuis l'intérieur de l’enzyme vers l'intérieur de l'hélice d'ADN, préparant ainsi la dissociation du complexe enzyme/ADN.
L'ensemble des données recueillies dans cette étude constitue un véritable film moléculaire de la séquence complète des événements de la réparation de l’ADN par la photolyase, depuis l'absorption d'un photon lumineux par le cofacteur jusqu'à la dissociation du complexe.
Ces travaux démontrent l’importance des nouvelles technologies mises à disposition de la communauté des biologistes par des grands instruments comme XFEL. Etre capable d’observer comment n’importe quelle enzyme stabilise ses intermédiaires réactionnels offre des perspectives nouvelles pour mieux appréhender ces espèces à durée de vie ultracourte que l’on soupçonne depuis longtemps de jouer un rôle fondamental dans les transformations chimiques indispensables à la vie.
En savoir plus :
Manuel Maestre-Reyna et al. Visualizing the DNA repair process by a photolyase at atomic resolution.Science382,eadd7795(2023).DOI:10.1126/science.add7795
La réparation de l’ADN filmé avec une précision atomique ! | Rush de Recherche
Visualisation à l'échelle atomique de la séquence des événements structuraux se produisant au cours de la réaction de réparation de deux bases d'ADN endommagées. La réaction est catalysée par la photolyase, une enzyme qui utilise la lumière bleue pour fonctionner.
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