La mécanique du sexe chez les plantes à fleurs

Résultats scientifiques Biologie végétale

Comment les gamètes mâles qui sont renfermés dans les grains de pollen arrivent-ils à bon port pour fusionner avec les gamètes femelles contenus dans le pistil et assurer ainsi la fécondation chez les plantes à fleurs ? Lors du tout premier contact qui s’établit entre pollen et pistil, le pollen émet un tube qui assure le transfert des gamètes mâles vers les gamètes femelles. En combinant des approches d’imagerie du vivant, de microscopie de force atomique, de génétique et des analyses chimiques, un article publié dans la revue  eLife décrit le rôle joué par une enzyme, la KATANINE, dans l’orientation des tubes polliniques en contrôlant les propriétés mécaniques du pistil. 

Chez les plantes à fleurs, la production de graines résulte de la fécondation entre les gamètes mâles renfermés dans le grain de pollen et les gamètes femelles contenus dans les ovules eux-mêmes enfouis au sein du pistil. Le succès de la reproduction dépend d’une interaction initiale entre le grain de pollen et la surface du pistil composée d’une couche de cellules allongées appelées papilles stigmatiques. Au contact d’une papille stigmatique, le pollen se réhydrate et émet un tube pollinique qui transportera les gamètes mâles jusqu’aux ovules. Si des peptides (chimio-attractants) ont été identifiés dans le pistil comme assurant le guidage des tubes polliniques vers l’ovule, la manière dont le tube s’oriente correctement à la surface d’une papille pour prendre la direction des ovules reste inconnu. En effet, quelle que soit la position du pistil sur des fleurs en position verticale, inclinée ou inversée, le tube trouve la bonne direction indépendamment de la force de gravité.

La plupart des cellules végétales sont entourées d’une paroi cellulaire rigide composée de polymères de sucres qui forment des microfibrilles. En plus de cette paroi externe, les cellules possèdent des filaments internes constitués d’une protéine, la tubuline, qui forment le cytosquelette de microtubules. En pénétrant dans la paroi des papilles stigmatiques, le tube génère des forces de pression dans la papille suggérant que les propriétés mécaniques de la paroi de la papille pourraient avoir un rôle dans les toutes premières étapes de croissance et d’orientation du tube. Les scientifiques montrent que l’organisation du cytosquelette de microtubules et des microfibrilles confert des propriétés mécaniques particulières à la paroi des papilles qui ont un impact majeur sur la croissance et la direction des tubes polliniques. Ces propriétés mécaniques dépendent de l’action d’une enzyme qui coupe les microtubules, la KATANINE, qui est conservée chez de nombreux eucaryotes et présente chez l’humain. Chez un mutant d’Arabidopsis thaliana (l’arabette des dames) dépourvu de KATANINE, les propriétés mécaniques de la paroi des papilles sont fortement altérées ; les tubes polliniques ont une croissance accélérée et s’orientent de manière désordonnée, allant même parfois au sommet de la papille au lieu de se diriger vers leur base pour progresser en direction des ovules. Ces travaux révèlent un rôle inattendu de la KATANINE dans le guidage des tubes polliniques en contrôlant les propriétés mécaniques de la paroi des papilles stigmatiques.

En faisant prendre la bonne direction aux tubes polliniques dès leurs premiers pas dans la papille, la KATANINE a probablement joué un rôle majeur dans le succès évolutif des plantes à fleurs en garantissant leur fécondation. Ces résultats indiquent que cette enzyme pourrait aussi réguler les propriétés mécaniques de cellules impliquées dans d’autres mécanismes biologiques.

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© Lucie Riglet

Figure : Croissance folle et incontrôlée des tubes polliniques sauvages (Col-0) sur les papilles stigmatiques d’un mutant d’Arabidopsis thaliana (l’arabette des dames) dépourvu de KATANINE (ktn1-5). Image microscopie électronique à balayage ; Barre = 50 microm.

 

Pour en savoir plus:

KATANIN-dependent mechanical properties of the stigmatic cell wall mediate the pollen tube path in Arabidopsis.
Riglet L, Rozier F, Kodera C, Bovio S, Sechet J, Fobis-Loisy I, Gaude T.Elife. 2020 Sep 1;9:e57282. doi: 10.7554/eLife.57282.

 

Contact

Thierry Gaude
Chercheur CNRS au laboratoire de Reproduction et Développement des Plantes (RDP)

Laboratoire

Laboratoire de Reproduction et Développement des Plantes (RDP) - (Université de Lyon/ ENS de Lyon/ UCBL/ INRAE/ CNRS)
46 Allée d'Italie, 69364 Lyon Cedex 07, France