La face cachée de la nicotine

Résultats scientifiques Neuroscience, cognition

Lorsque le tabac est consommé, la nicotine qu’il contient se fixe aux récepteurs nicotiniques du cerveau, entraînant l’activation du circuit de la récompense et la libération de dopamine. C’est en grande partie parce que les neurones à dopamine sont activés que la nicotine exercerait son effet addictif. Des chercheurs viennent pourtant de montrer, dans la revue Neuron que la nicotine induit des effets opposés sur les neurones dopaminergiques selon où ceux-ci projettent dans le cerveau et que cela traduirait deux effets contraires de la nicotine : le renforcement et l’anxiété.

Lorsque le tabac est consommé, la nicotine qu’il contient se fixe aux récepteurs nicotiniques du cerveau, ce qui entraine l’activation du « circuit de la récompense » et la libération de dopamine. La nicotine, comme d’autres drogues d’abus, détourne petit à petit ce circuit de la récompense, ce qui pousse l’individu à la consommation et, finalement, à la dépendance. Ce point de vue a notamment été popularisé par des expériences d'auto-stimulation des neurones dopaminergiques de l'aire tegmentale ventrale, qui ont démontré que la seule stimulation de ces neurones induit des effets similaires à ceux qui caractérisent l’état de dépendance à une drogue. Mais la nicotine est également un produit anxiogène. S’il est donc généralement considéré que l’effet addictif de la nicotine est dû à l’augmentation de dopamine qu’elle provoque, les mécanismes par lesquels la nicotine produit de l’anxiété chez les fumeurs restent peu connus.

Les scientifiques viennent de montrer par des enregistrements électrophysiologiques que la nicotine active et inhibe de façon concomitante deux sous-populations de neurones à dopamine. Les neurones excités par la nicotine projettent vers le noyau accumbens, tandis que ceux qui sont inhibés par la nicotine projettent vers l'amygdale, deux régions très distinctes du cerveau. En manipulant ces deux voies, ils montrent que ces deux populations neuronales sous-tendent des fonctions opposées : l'activation des neurones à dopamine projetant vers le noyau accumbens est impliqué dans le renforcement à la drogue, tandis que l’inhibition des neurones projetant vers l’amygdale est impliqué dans la mise en place d’un comportement anxieux. Ces études mettent donc désormais en évidence que l’action de la nicotine sur l’activité des neurones dopaminergiques dépend de leurs projections et révèlent deux effets antagonistes de la nicotine sur le système dopaminergique : un effet positif de récompense qui pousse à la consommation, mais également un effet négatif anxiogène qui pourrait au contraire limiter le désir de consommer la drogue.

La nicotine, lorsqu’elle est ingérée, va avoir des effets sur plusieurs autres régions du cerveau. C’est par cette action conjointe sur le circuit de la récompense et sur de nombreuses autres régions du cerveau que la nicotine va produire son effet. Les résultats obtenus suggèrent une balance d’effets positifs et négatifs au niveau du circuit de la récompense. Cette découverte pourrait avoir de nombreuses implications pour comprendre la mise en place de l’addiction à la nicotine. En particulier, des différences dans la réponse de ces deux sous-circuits pourraient expliquer pourquoi certains individus sont plus sensibles que d’autres à l’effet addictif de la nicotine.

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© Philippe Faure
Figure : les effets opposés de la nicotine sur le cerveau.  l’action de la nicotine sur l’activité des neurones dopaminergiques dépend de leurs projections.

Pour en savoir plus :
Nicotine inhibits the VTA to Amygdala dopamine pathway to promote anxiety
Nguyen C, Mondoloni S, Le Borgne T, Centeno I, Come M, Jehl J, Solié C, Reynolds LM, Durand-de Cuttoli R, Tolu S, Valverde S, Didienne S, Hannesse B, Fiancette JF, Pons S, Maskos U, Deroche-Gamonet V, Dalkara D, Hardelin JP, Mourot A, Marti F & Faure P
Neuron 8 juillet 2021.
DOI: https://doi.org/10.1016/j.neuron.2021.06.013

Contact

Philippe Faure
Directeur de recherche CNRS au Laboratoire de plasticité du cerveau (CNRS/ESPCI PARIS)
Fabio Marti
Maître de conférences à Sorbonne Université

laboratoire

École supérieure de physique et de chimie industrielles - ESPCI, Laboratoire de plasticité du cerveau (CNRS/ESPCI PARIS)
10 rue Vauquelin
75005 Paris