"Jouvence" augmente la longévité et protège les drosophiles contre les effets de l'âge

Résultats scientifiques Biologie cellulaire

Les chercheurs ont identifié, chez la Drosophile, un nouveau petit ARN nucléolaire (snoRNA), "jouvence", qui augmente la durée de vie et protège contre les effets délétères dus au vieillissement. Les snoRNAs sont très conservés au cours de l’évolution et l'homologue a été identifié chez l’humain, ouvrant des pistes pour une meilleure compréhension des effets normaux ou pathologiques de l'avancée en âge. Ces travaux sont publiés dans la revue Nature Communication.

Dans nos sociétés, le vieillissement, la longévité, et les maladies neurodégénératives sont des questions majeures de santé publique. Les chercheurs ont identifié, chez la Drosophile, un nouveau petit ARN nucléolaire (snoRNA : small Nucleolar RNA), nommé jouvence, requis dans l’épithélium de l’intestin (entérocytes). La perte de fonction de jouvence réduit la durée de vie des mouches, alors que les mouches transgéniques sur-exprimant jouvence ont une durée de vie augmentée. Elles sont également plus résistantes à divers stress (stress oxydatif, jeûne, choc thermique). C’est la première fois qu’un snoRNA est impliqué dans la longévité.

Au niveau moléculaire, jouvence modifie spécifiquement une base, l’uridine en pseurouridine, sur un site précis des ARN ribosomaux (ARNr). Une analyse transcriptomique effectuée sur des intestins, a révélé que jouvence régule plus de 600 gènes. C'est en particulier le cas de ninaD, un gène codant pour une protéine membranaire homologue aux protéines SR-BI qui, chez les mammifères, sont connues pour être impliquées dans le métabolisme du cholestérol. Chez les mutants de jouvence, la restauration d’un niveau normal de ninaD spécifiquement dans l’intestin restaure la longévité des mouches, ainsi que les niveaux de cholestérol.

Au niveau tissulaire, l’épithélium de l’intestin des mouches "agées" présente une hyperplasie/dysplasie, rappelant certains cancers. Chez les mutants de jouvence, ces mouches présentent encore plus d’hyperplasie, alors que les mouches transgéniques sur-exprimant jouvence en présentent beaucoup moins, indiquant que jouvence protège contre l’hyperplasie intestinale. Ces résultats suggèrent donc que la modification (pseudouridylation) d’une seule base sur un ARN ribosomal serait suffisante pour engendrer ces multiples effets observés à différents niveaux : moléculaires, cellulaires, tissulaires et sur l’organisme entier.

Les snoRNAs sont très conservés au cours de l’évolution, tant au niveau structural que fonctionnel et, en effet, l’homologue de jouvence a été identifié dans le génome humain (où il n’était pas annoté comme tel). Comme chez la Drosophile, il s’exprime dans l’intestin. Ce résultat ouvre de possibles perspectives pour de nombreuses pathologies liées à l'âge ou à des dysfonctionnements métaboliques. Dans ce contexte, un brevet a été déposé et publié à l’International (Patent: WO2015/067727) (SNORNA, COMPOSITIONS AND USES). Ce brevet a été repris par une société Capital Risque (Truffle Capital, Paris), et une startup (Ninovax) a été créée.  

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© Jean-René Martin

Figure : Intestin d’une Drosophile montrant l’expression du snoRNA-jouvence dans le nucléole des entérocytes (les principales cellules de l’épithélium de l’intestin). En bleu : coloration au Dapi marquant les noyaux. En vert (FITC): Hybridation in-situ révélant le snoRNA-jouvence dans le nucléole (localisé à l’intérieur du noyau).    

 

En savoir plus
Jouvence a small nucleolar RNA required in the gut extends lifespan in Drosophila

Soulé S, Mellottée L, Arab A, Chen C, Martin JR
Nature Communications 20 février 2020  (https://doi.org/10.1038/s41467-020-14784-1)

Contact

Jean-René Martin
Chercheur CNRS à l'Institut des neurosciences Paris-Saclay

Laboratoire

Institut des neurosciences Paris-Saclay (Neuro-PSI) (CNRS / Université Paris Saclay)
1 Avenue de la Terrasse (Bat. 32/33),
91198, Gif-sur-Yvette