Infections congénitales par le cytomégalovirus : réduire la neuroinflammation pour prévenir l’impact neurodéveloppemental ?

Résultats scientifiques Neuroscience, cognition

Représentant 0,2 à 2% des naissances, les infections congénitales par le cytomégalovirus (CMV) sont une cause majeure de troubles du développement cérébral, et peuvent conduire à des pathologies neurologiques sévères. Dans un article publié dans Journal of neuroinflammation, des scientifiques montrent que dans un modèle animal d'infection du cerveau fœtal par le CMV, la réduction par l'aspirine de l'expression de la cyclooxygénase-1 (Cox-1) dans les microglies fœtales s'accompagne d'une diminution de la survenue postnatale de troubles neurologiques chez les animaux infectés. 

Les infections congénitales à cytomegalovirus peuvent impacter le développement cérébral.

Les infections congénitales à cytomégalovirus (CMV) sont l'une des principales causes de troubles du développement cérébral, et ont un impact significatif en santé publique. Si 80-85% des cas d'infection congénitale à CMV ne présentent aucun symptôme apparent, environ 15 à 20 % développent des problèmes neurologiques sévères, notamment des malformations cérébrales, une perte d'audition, des problèmes de vision, une infirmité motrice cérébrale, des crises d'épilepsie et une déficience intellectuelle. Bien que ceci soit encore débattu, l'infection congénitale à CMV pourrait également augmenter le risque de troubles tels que l'autisme et la schizophrénie plus tard dans la vie. Il est de plus en plus suspecté que la réponse du système immunitaire cérébral à l'infection par le CMV dans le cerveau en développement, et notamment la réaction de certaines cellules immunitaires du cerveau appelées microglies, jouent un rôle important dans les problèmes neurologiques qui en résultent. Dans la présente étude publiée dans la revue Journal of neuroinflammation, les scientifiques ont utilisé un modèle d'infection par le CMV du cerveau fœtal de rat pour tester si des substances qui modulent le système immunitaire et qui affectent notamment les microglies, pourraient améliorer la pathologie. L'un des composés testés était l'aspirine (acide acétylsalicylique), connue pour inhiber deux enzymes clés (Cox-1 et Cox-2) impliquées dans la production de substances chimiques inflammatoires appelées prostaglandines.

Le ciblage des enzymes Cox1 et Cox2 prévient les troubles neurologiques 

Les scientifiques ont constaté dans leur modèle que l'administration d'aspirine (mais à des doses non transposables chez la femme enceinte) dans l'eau de boisson à la mère pendant la gestation :

  • réduisait la proportion de microglies fœtales exprimant Cox-1 après infection par le CMV ;
  • améliorait les problèmes neurologiques postnataux observés après infection par le CMV ;
  • empêchait la survenue d'une activité cérébrale anormale enregistrée dans les échantillons de tissus cérébraux après infection par le CMV.

En revanche, les animaux génétiquement dépourvus de l'enzyme Cox-1 n'ont pas montré la même amélioration des problèmes neurologiques après infection par le CMV, bien qu'ils aient montré, comme c'était le cas avec l'administration d'aspirine, une amélioration spectaculaire de l'activité cérébrale dans les échantillons de tissus - tout ceci suggérant que les effets bénéfiques de l'aspirine passeraient à la fois par des mécanismes dépendants mais aussi indépendants de l'enzyme Cox-1.

Si ces résultats dans un premier modèle animal sont prometteurs, les scientifiques soulignent la prudence qui s'impose avant d'envisager leur extrapolation à la pathologie humaine correspondante. Des travaux supplémentaires sont nécessaires, notamment pour reproduire, étendre à d'autres modèles, et mieux comprendre ces premiers résultats ; et avant de pouvoir commencer à apprécier l'efficacité, le bénéfice et le risque de l'utilisation de l'aspirine pendant la grossesse pour prévenir les effets de l'infection congénitale par le CMV, ainsi que pour déterminer la dose appropriée et une fenêtre temporelle optimale d'administration. La détection précoce, au cours de la grossesse, des fœtus infectés présentant le risque le plus élevé de troubles neurologiques futurs représentera aussi un défi crucial.

© Sylvian Bauer, Pierre Szepetowski, Sarah Tarhini

Figure : L’aspirine donnée dans l’eau de boisson durant la gestation jusqu’à la délivrance diminue la proportion de microglies exprimant la cyclooxygénase-1 (Cox-1) dans les cerveaux infectés par le cytomégalovirus (CMV), atténue la survenue de troubles neurologiques, et prévient l’existence d’activités électriques anormales (épileptiformes) dans les tissus cérébraux provenant des animaux infectés in utero. E: stade embryonnaire (en jours). KO : knock-out. P: stade postnatal (en jours).

En savoir plus : Tarhini, S., Crespo-Quiles, C., Buhler, E. et al. Cytomegalovirus infection of the fetal brain: intake of aspirin during pregnancy blunts neurodevelopmental pathogenesis in the offspring. J Neuroinflammation 21, 298 (2024). https://doi.org/10.1186/s12974-024-03276-4 

Contact

Sylvian Bauer
Chargé de recherche CNRS
Pierre Szepetowski
Directeur de recherche CNRS

Laboratoire

Institut de neurobiologie de la Méditerranée - INMED (Aix-Marseille Université/Inserm)
Campus Scientifique de Luminy 
163 route de Luminy 
13009 Marseille