Individualiser les kinétochores pour ségréger les chromosomes dans l'ovocyte

Résultats scientifiques Biologie cellulaire

La production de gamètes haploïdes nécessite l'exécution coordonnée de deux divisions cellulaires spécialisées, la méiose I et II. Les défauts de ségrégation lors de la méiose conduisent à la génération de gamètes aneuploïdes c’est-à-dire avec un nombre incorrect de chromosomes. Dans la majorité de cas, cela empêche le développement d'un embryon viable. Les scientifiques ont découvert que dans l'ovocyte de mammifères, l’individualisation des kinétochores frères en méiose I est nécessaire pour exécuter correctement la méiose II, et par conséquent, pour obtenir des ovocytes avec le bon nombre de chromosomes. Ces travaux sont publiés dans the Embo Journal.

Lors de la reproduction sexuée, des gamètes haploïdes mâles et femelles contenant la moitié du matériel génétique de la cellule germinale doivent être produits. Deux divisions cellulaires spécialisées, nommées méiose I et méiose II, sont nécessaires pour diviser le génome en deux et pour obtenir des ovocytes et spermatozoïdes haploïdes. Ces deux divisions sont différentes des divisions mitotiques, qui ont lieu dans les cellules somatiques. En mitose, après la réplication des chromosomes, le produit de cette réplication appelé "chromatides sœurs" sont séparée. En méiose I, ce sont des chromosomes entiers constitués de deux chromatides sœurs qui sont séparés. La méiose II, en revanche, ressemble à une mitose avec la séparation des chromatides sœurs.

Comment l’ovocyte "sait-il" qu'il doit d'abord séparer des chromosomes et seulement ensuite des chromatides sœurs ? Cette question a été posée dans de nombreuses études. Il a été proposé que l'attachement des chromosomes par leurs kinétochores (les sites d'attachement sur le chromosome) ainsi que les forces appliquées par le fuseau bipolaire sont décisifs pour provoquer une séparation, soit des chromosomes entiers, soit des chromatides sœurs.

En utilisant l'ovocyte de souris comme modèle d'étude, les chercheurs montrent que contrairement à ce modèle largement accepté, ce n'est pas l'attachement et les forces appliquées sur les kinétochores qui déterminent le pattern de la ségrégation (méiose I ou II). Ils ont découvert que c'est l'état des kinétochores frères (soit fusionnés, soit séparé) qui détermine le type de ségrégation en méiose II. Juste après la séparation des chromosomes en méiose I, les kinétochores frères fusionnés s'individualisent grâce à l'action de la protéase Séparase. Cette individualisation est une condition sine qua non pour une ségrégation correcte en méiose II. En absence d'une individualisation des kinétochores frères en méiose I, les chromatides sœurs ne peuvent pas être séparées en méiose II. Ainsi, ce n’est ni l'attachement du fuseau ni le stade cellulaire de la cellule (méiose I ou II) qui contient l'information déterminant quelle ségrégation aura lieu mais c'est le chromosome lui-même. Il reste à identifier ce substrat inconnu de la Séparase, qui est nécessaire pour l'individualisation des kinétochores frères. Mais d'ores et déjà, ces résultats  permettent de mieux comprendre les mécanismes moléculaires sous-jacent à la division cellulaire méiotique pour créer des gamètes sains, un prérequis pour la formation d’embryons viables.

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© Yulia Gryaznova and Katja Wassmann

Figure : A) Dans ces deux phases de méiose I (métaphase et anaphase) les ovocytes sont utilisés pour déterminer si les kinétochores frères sont fusionnés ou séparés. Les chromosomes sont marqués en bleu (l’ADN est coloré avec du Hoechst), les kinétochores sont en vert, et Sgo2, une protéine dans la région centromerique en magenta. Les kinétochores frères sont fusionnés en métaphase et séparés en anaphase de méiose I. B) Schéma explicatif.

Pour en savoir plus
Kinetochore individualization in meiosis I is required for centromeric cohesin removal in meiosis II

Gryaznova Y, Keating L, Touati SA, Caldière D, El Yakoubi W, Buffin E and Wassmann K
The Embo Journal:  1er mars 2021.  https://doi.org/10.15252/embj.2020106797

Contact

Katja Wassmann
Directrice de recherche CNRS à l'Institut Jacques Monod (CNRS/Université Paris Cité)

Laboratoire

Institut de biologie Paris Seine (IBPS) - (CNRS/Sorbonne Université)
Laboratoire de biologie du développement
9 quai St. Bernard
75252 Paris