Hommage à Madeleine Gans

Hommages

C’est avec beaucoup d’émotion et une profonde tristesse que nous avons appris le décès de Madeleine Gans, survenu le 18 avril 2018, à l’âge de 97 ans.

Madeleine Gans a effectué toute sa carrière d’enseignante d’abord à la Faculté des Sciences de Paris puis à Paris 6 (Université Pierre et Marie Curie). Elle est nommée chef de travaux pratiques de génétique en 1953 puis professeur en 1961. Pendant plus de 30 ans, elle enseignera toutes les facettes de la génétique, formelle, physiologique, des populations. En 1956, elle participe avec Piotr Slonimski à la création du troisième cycle de Génétique approfondie qui deviendra en 1965 le diplôme d’études approfondies de Génétique (DEA). Ce DEA à la pédagogie innovante, en liens étroits avec la recherche, a formé des centaines de jeunes chercheurs et a connu une notoriété nationale et internationale.

La grande passion de Madeleine Gans a été la recherche. Elle entre en 1945 à l’Institut de Biologie physico-chimique (IBPC), dans le laboratoire de Boris Ephrussi, à qui vient d’être attribuée la première chaire universitaire de génétique en France. Elle soutient sa thèse en 1951 sur l’étude du mutant zeste de Drosophila melanogaster. Cette thèse, publiée uniquement en français, a cependant été reconnue comme une étude magistrale et a été traduite par des généticiens américains comme modèle d’analyse génétique. Les prolongements actuels de ce travail concernent les phénomènes de transvection, effet de position, variégation.

En 1956, Madeleine Gans s’associe avec Georges Prévost, autre élève de Boris Ephrussi, pour travailler sur un champignon basidiomycète, Coprinus radiatus, d’abord à l’IBPC puis dans le Laboratoire de Génétique physiologique du CNRS à Gif-sur-Yvette et en 1967 au Centre de Génétique moléculaire (CGM). Des centaines de mutants sont isolés, permettant l’analyse des voies métaboliques chez ce champignon. La première cartographie génétique à grande échelle chez un basidiomycète est ainsi réalisée.

En 1970, Madeleine Gans revient à ses premières amours, le modèle drosophile. Elle est l’initiatrice d’une méthodologie innovante pour l’étude du contrôle génétique des processus de développement chez la drosophile. Madeleine Gans et son équipe mettent en oeuvre des mutagenèses extensives afin d’identifier les gènes, actifs pendant l’ovogenèse, dont les produits structurent l’ovocyte (gènes dits « à effet maternel »). Ces recherches seront par la suite développées dans de très nombreux laboratoires. C’est une analyse de ce type qui a été utilisée en 1980 par Eric Wieschaus et Nusslein-Volhard qui obtiendront, avec Ed Lewis, le prix Nobel de médecine en 1995. Eric Wieschaus avait beaucoup d’admiration pour Madeleine Gans, il fera plusieurs séjours dans son laboratoire et participera à son jubilé en 1990.

Au cours de l’une des mutagenèses, Madeleine Gans découvre des mutations aux propriétés étonnantes, les mutations ovoD qui conduisent à une stérilité femelle dominante. Madeleine Gans reconnaît d’emblée l’outil exceptionnel qu’offrent ces mutations pour l’analyse clonale en lignée germinale femelle. Norbert Perrimon, d’abord en stage de DEA dans le laboratoire de Madeleine Gans puis aux Etats-Unis, en développera toutes les potentialités. Des dizaines d’équipes de chercheurs en génétique du développement de la drosophile utiliseront ces outils. De plus, Madeleine Gans découvre que, dans certaines conditions, les mutations ovoD réversent à haute fréquence. En 1989, M. Gans et son équipe établissent que la mobilisation d’un rétro-transposon est responsable de cette réversion et que l’élément qui contrôle cette mobilisation, appelé flamenco, est localisé dans l’hétérochromatine du chromosome X. Plusieurs équipes étudieront ce phénomène. On sait aujourd’hui que le locus flamenco est un centre de production de piRNAs impliqués dans le « silencing » des rétro-transposons dans les ovaires de drosophile.

Ainsi tout au long de sa carrière de scientifique, Madeleine Gans s’est montrée extrêmement inventive et a ouvert des voies conduisant à des découvertes majeures.

Madeleine Gans est élue correspondante à l’Académie des Sciences en 1987.

Madeleine Gans avait une personnalité hors du commun, à la fois inventive et généreuse, bien que modeste à l’extrême. Sa disponibilité envers les étudiants était proverbiale. Son écoute envers les jeunes enseignants, tenant souvent compte de leurs suggestions sur le plan pédagogique, ne s’est jamais démentie. Enfin, elle a su animer son équipe de recherche avec passion, enthousiasme et bienveillance. C’était un bonheur que de travailler sous sa direction.
Jusqu’à la fin de sa vie, elle a su garder, très vif, son intérêt pour la science et les personnes.

 

Denise Cabet-Busson, Claudie Lamour-Isnard et Odile Ozier-Kalogeropoulos
- https://fr.wikipedia.org/wiki/Madeleine_Gans
- http://www.histcnrs.fr/histoire-genetique/gans.html