Hommage à Jean-Didier Vincent
Jean-Didier Vincent, figure incontournable des neurosciences françaises et pionnier de la neuroendocrinologie, nous a quittés le 3 décembre 2024 à l’âge de 89 ans. Son œuvre scientifique, marquée par une vision humaniste et une rigueur intellectuelle exceptionnelle, a laissé une empreinte indélébile dans le domaine des neurosciences et au-delà. Chercheur, médecin, enseignant et philosophe, il a inspiré de nombreuses générations par sa capacité à mêler recherche fondamentale et réflexion sur la condition humaine. Son héritage scientifique et son engagement envers la société continueront de guider ceux qui, comme lui, cherchent à comprendre les mystères du cerveau et du comportement humain.
C’est avec une profonde tristesse que nous avons appris le décès de Jean-Didier Vincent, figure emblématique des neurosciences françaises, pionnier de la neuroendocrinologie et des sciences comportementales.
Jean-Didier Vincent s’est éteint paisiblement le soir du 3 décembre 2024, à l’âge de 89 ans. Sa disparition invite ceux qui ont eu le privilège de le côtoyer à réfléchir sur ce que signifie être un honnête-homme en science. Il incarnait cet idéal humaniste des Lumières, mêlant rigueur académique, curiosité insatiable et éthique profonde dans ses recherches comme dans ses interactions avec la société.
Par ses travaux novateurs, il a ouvert des perspectives inédites sur les interactions entre le cerveau, les hormones (surtout celles produites par le système hypothalamo-hypophysaire) et le comportement, laissant une empreinte indélébile sur le paysage scientifique français.
Bien plus qu’un médecin-chercheur d’exception, Jean-Didier Vincent portait une vision profondément humaniste de la science, alliant rigueur intellectuelle et une curiosité sans bornes. Il a inspiré plusieurs générations, d’abord par l’exemple, mais aussi en leur enseignant que la science, si exigeante soit-elle, offre des satisfactions infinies à condition de savoir poser les bonnes questions et, si possible, de les orienter vers des bénéfices pour tous. En effet, il n’a jamais oublié qu’il était autant chercheur et enseignant que médecin, formé à l’École du Service de Santé des Armées de Bordeaux.
Jean-Didier Vincent aimait rappeler qu’il avait vécu la « grande époque » de la neurophysiologie française, une ère marquée par des découvertes majeures, mais aussi par des espoirs incommensurables lorsque l’on croyait, ingénument, que les ondes électroencéphalographiques suffiraient à dévoiler les principes généraux du fonctionnement cérébral, ou que la mesure des hormones sanguines témoignait de l’impact des émotions sur le comportement. Formé dans cette « grande tradition » par des pionniers comme le neuropsychiatre Jacques Faure, il devint professeur de physiologie à la faculté de médecine de Bordeaux. De 1978 à 1990, il dirigea l’Unité mixte INSERM/CNRS « Neurobiologie des comportements » à Bordeaux, avant de fonder et de diriger l’Institut Alfred Fessard à Gif-sur-Yvette (CNRS) de 1991 à 2002.
Ses ouvrages et interventions publiques, à la croisée de la science, de la philosophie et de la littérature, témoignent de son talent unique pour rendre accessibles des savoirs complexes et stimuler une réflexion profonde sur la condition humaine.
Son engagement scientifique et médical a marqué plusieurs générations. Il a établi les bases d’un dialogue fécond entre neurobiologie et comportement, offrant des perspectives qui continuent d’inspirer les neurosciences contemporaines dans leur quête pour comprendre les interactions entre le corps et l’esprit, et par quel moyen les émotions jouent-elles un rôle fondamental dans notre cognition. Ainsi, peut-être que son œuvre la plus originale, et qui perdure encore aujourd’hui, fut de démontrer comment nos affects précèdent-ils l’acte de penser. À travers son héritage scientifique et intellectuel, il continuera de nous inspirer à explorer, comprendre et questionner l’humain sous toutes ses dimensions.
Jean-Didier Vincent a également joué un rôle déterminant dans la vie scientifique et stratégique de nos institutions. Membre de l’Académie des sciences, mais aussi membre de l'Académie de médecine, il a siégé au sein du Comité d’éthique des sciences du CNRS (COMETS) et du Comité d’éthique et de précaution pour les applications de la recherche agronomique de l’INRAE (COMEPRA). Il a présidé le premier comité scientifique international de l’Institut des Sciences de la Vigne et du Vin, à l’Université de Bordeaux de 2006 à 2013. Son engagement sociétal s’est aussi manifesté dans ses fonctions de président du Conseil national des programmes (rattaché au ministère de l’Éducation nationale) de 2002 à 2012, ainsi que dans sa participation à la Fondation pour l’innovation politique (2002-2009) et à l’Association pour l’Université numérique francophone mondiale (UNFM), qu’il présida de 2005 à 2010.
Nos pensées accompagnent sa famille, ses proches, et tous ceux qui ont eu la chance de le connaître ou d’être inspirés par son œuvre. Son héritage est immense, et sa pensée continuera de résonner à travers les nombreuses personnes qu’il a touchées.