Hommage à Gabriel Peltre

Hommages

C’est avec tristesse que nous avons appris le décès de Gabriel Peltre, survenu le 19 décembre 2019 à l’âge de soixante-dix-sept ans.

« Science sans technique n’est que vue de l’esprit »

Gabriel PELTRE

 

Gabriel Peltre est décédé le 19 décembre 2019 à Paris. Docteur és-sciences en Immunologie, chargé de recherche au CNRS, il a passé 30 ans de sa carrière à l’Institut Pasteur et 10 ans à l’Ecole Supérieure de Physique et Chimie Industrielles (ESPCI). A l’Institut Pasteur tout d’abord dans l’unité d’Immunologie Cellulaire dirigée par le Professeur Alain Bussard où il fera son doctorat d’état (de 1966 à 1976) puis dans l’unité d’Immuno-Allergie dirigée par le Professeur Bernard David (de 1980 à 2001). Ensuite de 2002 à 2012 à l’ESPCI dans l’unité de Chimie Analytique dirigée par Marie-Claire Hennion. Durant toutes ces années il a perpétué la grande Ecole de Pierre Grabar et Jacques Oudin sur l’immunochimie, c’est-à-dire l’étude des anticorps et de l’immunoréactivité des antigènes et plus particulièrement des allergènes pour Gabriel.

            Né le 9 janvier 1942 à Morhange en Lorraine, il fera ses études primaires et secondaires au Raincy, près de Paris, où ses parents s’étaient installés comme boulangers.

            Il a ensuite fait toutes ses études supérieures de Chimie-Physiologie de 1960 à 1965 à Paris dans les locaux de la Sorbonne avec comme professeurs André Lwof et Jacques Monod, des prix Nobels de l’Institut Pasteur, mais aussi Jean Marie Dubert qui l’a initié à la biochimie et l’immunologie moderne. Ces scientifiques l’ont dirigé vers l’Institut Pasteur, haut lieu de l’immunologie française, et plus particulièrement vers le laboratoire d’Immunologie Cellulaire dirigé par le professeur Alain Bussard. Il y fera sa thèse d’état qu’il soutiendra en 1976 sur la diversité et la cinétique de la réponse immunitaire chez le lapin. Très intéressé par les méthodes analytiques d’immunochimie, un apanage pasteurien, il peaufine l’analyse des anticorps par iso-électro focalisation, technique peu utilisée car délicate. Il ira en stage à Cologne, dans le laboratoire de Klaus Rajewski, éminent immunologiste allemand, spécialiste des cellules sécrétrices d'anticorps et chez Alain Bussard, il aura la chance de rencontrer Jacques Oudin, le talentueux immunochimiste pasteurien. Sa thèse passée il part en stage post doctoral aux Etats-Unis à la City of Hope, près de Los Angeles, dans un laboratoire dirigé par le professeur Teplitz où il y développe, sur la fin, une technique d’immuno détection sur feuille de nitrocellulose après séparation des protéines par électrophorèse. L’immunoempreinte (ou western blot en anglais) venait de naître.

            Revenu en France à l’Institut Pasteur dans les années 80 il intègre l’unité naissante et prometteuse d’Immuno-Allergie du Pr Bernard David et crée une équipe pour étudier, chez des patients allergiques, la diversité des anticorps et des allergènes par l’électrophorèse 2D et l’immunoempreinte dont il accroit les performances par de multiples innovations. Des progrès considérables seront réalisés dans l’analyse de la complexité des sources allergéniques et la réponse IgE spécifique des patients allergiques au pollen en particulier.

            En 1982 il fonde la Société Française d’Electrophorèse (SFE) dont il devient le premier président. La SFE existe toujours aujourd’hui et a pris en 2002 le nom de SFEAP pour Société Française d’Electrophorèse et d’Analyse Protéomique. Des chercheurs sont venus rejoindre Gabriel dont l’accueil et la bienveillance était sans faille, et ses compétences étaient recherchées dans de nombreuses instances au niveau national et international que ce soit auprès de médecins, de chercheurs du monde académique ou industriel.

            C’est sous son impulsion que l’aérobiologie nait en France, à l’Institut Pasteur, avec Michel Thibaudon le fondateur du Réseau National de Surveillance Aérobiologique, une structure exemplaire qui existe toujours. Ses travaux pionniers sur les effets de l’environnement sur l’allergénicité des pollens sont toujours d’actualités ainsi que les outils, les protocoles d’étude et les idées proposés et inventées.

            En 2002, l’équipe « Allergie & Environnement » de Gabriel s’installe à l’Ecole Supérieure de Physique et Chimie Industrielles (ESPCI) pour y développer des méthodes d’étude et de diagnostic de l’allergie avec des moyens encore plus modernes telle que la microfluidique. L’équipe y restera jusqu’à la retraite de Gabriel et les détenteurs héritiers de son Ecole installeront un laboratoire de recherche en allergologie du même nom « Allergie & Environnement » à l’hôpital Armand Trousseau pour travailler en interaction étroite avec un service clinique et un laboratoire de diagnostic, une configuration idéale pour une recherche translationnelle efficace et de qualité dans le domaine de l'allergie. Gabriel suivra de près les avancées scientifiques de l’équipe de recherche jusqu’à ce dernier trimestre 2019.

            Homme fédérateur, humaniste et généreux il a parcouru le monde en Europe, en Amérique, en Afrique ou en Asie pour faire des cours et organiser des ateliers, entreprendre des collaborations, assurer son expertise auprès de différentes instances, encadrer des étudiants, organiser des congrès nationaux et internationaux, être membre du bureau éditorial des revues « Electrophoresis », « Applied and Theoritical Electrophoresis », « International Archives of Allergy and Immunology ».

Son approche souriante, modeste et désintéressée facilitait les rapports humains et favorisait ainsi la pénétrance de ses idées. Ainsi, sa vision humaniste de la recherche permettait de parler avec respect au monde médical, au monde étudiant, au monde de la recherche académique et industrielle, ... à l'individu.

Pascal Poncet*, Hélène Sénéchal* et François-Xavier Desvaux

Ses derniers collègues statutaires

* : responsables actuels du laboratoire « Allergie& Environnement »