Grâce à l’odeur de leur mère, les bébés voient des visages partout !
On sait que percevoir les visages est encore difficile chez le nourrisson et peut être aidé par un sens plus mature que la vue : l’odorat. Dans une étude publiée dans PNAS, des chercheurs montrent qu’à 4 mois, l’odeur de la mère peut même initier l’illusion d’un visage dans un objet qui, sans odeur, n’est pas perçu comme un visage. Plus qu’une simple assistance à la perception visuelle, l’odorat active directement des représentations cérébrales qui façonnent la manière dont le bébé interprète son environnement.
Pour comprendre son environnement social, le bébé humain doit rapidement développer son aptitude à percevoir les visages. Dans ce contexte social précoce, le jeune système visuel, encore très immature, peut compter sur les sens plus développés pour guider son interprétation de l’environnement. En particulier, un sens relativement développé à la naissance, l’odorat, est vecteur de nombreuses informations sur les congénères. Dès les premiers mois de vie, le nourrisson répond préférentiellement aux odeurs humaines, notamment maternelles, qui orientent et guident son comportement social. Ces odeurs sont-elles ainsi en mesure d’influencer comment le cerveau de l’enfant perçoit les visages ?
Lors de précédents travaux, les chercheurs de l’étude avaient observé qu’en présence de l’odeur de sa mère, le bébé de 4 mois regarde davantage les visages que d’autres objets présentés simultanément. De plus, son cerveau répond plus fortement à des visages présentés parmi d’autres objets. Cette fois, ils ont évalué si l’odeur engendre directement la réponse aux visages dans le cerveau du jeune enfant en utilisant des images d’objets qui peuvent être perçus comme des visages (illusion visuelle appelée paréidolie, comme lorsqu’on perçoit un visage dans les nuages ou la mousse du café). Des nourrissons de 4 mois ont été alternativement exposés à deux t-shirts, avec ou sans l’odeur de leur mère, tandis que leur activité cérébrale était enregistrée par électroencéphalographie. Sur l’écran devant eux, des photographies d'objets variés se succédaient rapidement, certaines évoquant des visages. Les chercheurs ont mesuré l’émergence d’une réponse cérébrale distincte entre objets « faciaux » et objets contrôles « non-faciaux », cette réponse témoignant de la perception d’un visage illusoire dans les objets « faciaux ».
Les résultats montrent que le cerveau du nourrisson répond peu aux visages illusoires quand il est exposé au t-shirt non porté. En revanche, lorsque l’on délivre l’odeur de la mère, l’activité cérébrale spécifique aux objets « faciaux » est largement amplifiée. Au niveau individuel, la majorité des bébés ne perçoit les visages illusoires qu’en présence de l’odeur maternelle. Cela indique que l’odeur initie chez eux l’illusion d’un visage pour des objets qui n’étaient initialement pas perçus comme tel. Cette étude fournit ainsi la preuve que le système visuel encore immature du jeune enfant se nourrit d’informations sensorielles non visuelles comme les odeurs pour faciliter, et même façonner, la perception des visages. Plus généralement, cette étude illustre le rôle fondamental des interactions entre les sens pour interpréter l’environnement social.
Pour en savoir plus :
Odor-driven face-like categorization in the human infant brain
Rekow, D., Baudouin, J.-Y., Poncet, F., Damon, F., Durand, K., Schaal, B., Rossion, B., & Leleu, A.
Proceedings of the National Academy of Sciences, 25 mai 2021. https://doi.org/10.1073/pnas.2014979118
Grâce à l’odeur de leur mère, les bébés voient des visages partout !
Exemple d'une séquence de présentation des images. Des objets défilent rapidement (à une fréquence de 6 images par seconde) et des objets « faciaux » apparaissent à intervalles réguliers, une fois toutes les 6 images (une fois par seconde). Si une réponse cérébrale émerge à cette fréquence spécifique aux objets « faciaux », elle indique que les nourrissons perçoivent ces objets comme des visages.
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