Femmes & Sciences : construire un mentorat opérationnel avec les outils de l’intelligence collective

Résultats scientifiques Institutionnel

Le mentorat permet d’accompagner les jeunes doctorants et doctorantes et contribuer à leur épanouissement. Or, incontestablement, le mentorat ne s’improvise pas. Depuis 2015, l’association Femmes & Sciences développe un programme de mentorat et à Toulouse ce programme est accolé au Programme doctoral du Centre de biologie intégrative (CBI). Dans un article publié dans la revue Nature Biotechnology, des scientifiques, membres du comité de pilotage de ce programme de mentorat, présentent un cadre méthodologique, en s’appuyant sur des outils de l’intelligence collective, pour une mise en œuvre active du mentorat.

Dans de nombreux pays, les femmes sont nettement sous-représentées dans la recherche scientifique ; avec 33 % dans l'Union européenne et 29 % en France. Pour répondre au besoin de soutien, d'encouragement et d'orientation des femmes scientifiques au début de leur carrière, une grande variété de programmes de mentorat a été développée dans les milieux universitaires à travers l'Europe et les États-Unis.

En France, depuis 2015, il existe notamment le programme de mentorat géré par Femmes & Sciences, une association qui promeut la science et la technologie et soutient les femmes tout au long de leur carrière scientifique. Ce programme offre aux jeunes femmes qui en font la demande, un environnement libre et de confiance, dans un réseau stimulant de scientifiques dévoués et expérimentés, avec lesquels elles peuvent discuter de leur parcours et de leurs choix de carrière et apprendre à tirer le meilleur parti de leurs compétences. En participant à des ateliers de développement professionnel, à des réunions de groupe ou à des cercles de mentorat, les jeunes femmes scientifiques peuvent bénéficier de conseils uniques et personnalisés de la part de leur mentor.

Un atelier pour construire une relation de confiance entre mentor et mentoré
 

Si de grandes lignes directrices définissent le principe général de ce programme de mentorat, le lancement de la relation mentor-mentoré et la construction de cette relation sont des moments clés dans le programme de mentorat. Dans un article publié dans Nature Biotechnology, des scientifiques du CNRS présentent une méthode utilisant l’intelligence collective pour établir une relation mentor-mentoré en binôme ou dans un groupe plus large de mentors et de mentorés. L’intelligence collective se base sur la capacité à faire travailler ensemble des profils variés pour résoudre collectivement des problèmes de manière plus efficace qu’individuellement. En effet, à Toulouse, le programme de l’association Femmes & Sciences, coordonné par Julie Batut, chercheuse CNRS au CBI-MCD, est associé au programme doctoral du CBI de l'université de Toulouse, et propose un mentorat ouvert aux doctorantes et doctorants de l’Université. Depuis 2019, ce programme comprend un atelier construit et animé par Julie Foncy, ingénieure de recherche au LAAS-CNRS et formatrice interne CNRS (DR14) spécialisée dans l’accompagnement individuel et collectif par l’intelligence collective.

L’objectif ? Construire, avec les mentors et les mentorés, un cadre de référence commun sur le mentorat. En d’autres termes : définir les besoins, droits, devoirs, et rôles de chacun. Cela permet aux participants de cultiver une déontologie et une compréhension partagée des principes, des pratiques et des attentes associées au mentorat, dans le but d'établir des relations de confiance à long terme. Grâce à une série d'exercices interactifs et de discussions, les participants ont l'occasion d'explorer et d'aborder les défis et les obstacles potentiels qui peuvent survenir dans la dynamique mentor-mentoré. L'atelier offre un espace sûr pour un dialogue ouvert et constructif, favorisant la confiance et la compréhension entre mentors et mentorés.

Qui sont les mentors & les mentorés ?
 

Dans ce programme, le rapport entre les mentors féminins et masculins est généralement d'environ 70 % de femmes pour 30 % d'hommes, avec des proportions similaires pour les mentorés. La majorité des mentors et des mentorés (75 %) travaillent dans les sciences de la santé, suivies par l'agroalimentaire, les sciences de l'environnement (10 %) et les sciences de l'Univers (15 %). La proportion est la même pour les mentorés dans les sciences de la vie, avec 10% en chimie et environ 5% dans les sciences de l'Univers.

Comment fonctionne l’intelligence collective ?
 

Le fonctionnement de l’atelier est basé sur les 6 éléments suivants :

  1. Diversité : plus le groupe est diversifié, plus il est susceptible de générer des idées et des solutions innovantes. Nous mixons donc les mentors avec les mentorés.
  2. Inclusion : elle favorise l'engagement actif de tous les participants et encourage la libre expression des idées, ce qui conduit à une meilleure prise de décision collective.
  3. Communication ouverte : les membres du groupe doivent être encouragés à partager leurs idées, leurs connaissances et leurs opinions sans craindre d'être jugés. Le cadre et les règles de fonctionnement permettent de favoriser la communication.
  4. Collaboration : la collaboration active entre les membres du groupe est un élément clé de l'intelligence collective. Cela implique de travailler ensemble, d'écouter activement les autres, de s'appuyer sur les idées de chacun et de trouver des compromis si nécessaire.
  5. Prise de décision participative : l'intelligence collective implique souvent une prise de décision collective. Les décisions sont prises en tenant compte des contributions et des perspectives de tous les membres du groupe.
  6. Réflexion critique : les membres du groupe doivent être encouragés à remettre en question les idées et les opinions de manière constructive.

Cet atelier permet à chaque individu impliqué de définir le cadre de leur relation mentor-mentoré et de disposer des outils nécessaires pour amorcer leur collaboration dans un esprit de confiance et de collaboration mutuelle. Plus de 99 % des participants sont très satisfaits de l'atelier et de la méthode d'animation utilisée, à savoir l'intelligence collective. Plus de 90 % ont également apprécié le contenu et le style d'enseignement. A l’issu de l’atelier, les mentors et les mentorés ont un cadre de référence commun du programme et ils peuvent démarrer leur relation (échanges mensuels) sereinement sur des bases solides.
 

figure
© Julie Foncy & Julie Batut
Figure : Nuage de mots résumant les mots clés utilisés par les participants de l’atelier pour définir les rôles de mentors et de mentorés.

En savoir plus :
Foncy, J., Kwapisz, M., Knibiehler, M. et al. Collectively building a mentor–mentee relationship through a one-day workshop. Nat Biotechnol 41, 1829–1833 (2023). https://doi.org/10.1038/s41587-023-02056-4

Contact

Julie Batut
Chercheuse CNRS
Julie Foncy
Ingénieure de recherche CNRS

Laboratoires

Unité de biologie moléculaire, cellulaire et du développement - MCD (CNRS/Université Toulouse III Paul Sabatier) 
169 avenue Marianne Grunberg-Manago
31062 Toulouse cedex 09 - France

Laboratoire d'analyse et d'architecture des systèmes - LAAS-CNRS
7 avenue du Colonel Roche
31400 Toulouse