Dupliquer pour s’adapter ou comment accélérer l’évolution des plantes ?

Résultats scientifiques Biologie végétale

Les duplications de portions de chromosomes permettant aux organismes de dupliquer des gènes existants et d’en créer de nouveaux sont bien documentées sur des temps géologiques assez longs. Cette étude, publiée dans la revue Genome Reserach,  montre que dans un contexte d’instabilité génétique accrue, il est possible d’activer l’apparition de ces duplications pour les provoquer en seulement quelques générations, et donc d’accélérer la capacité d’innovation génomique de la plante. Les scientifiques présentent également une analyse fine des conséquences phénotypiques de ces duplications qui, dans le cas présent, rendent la plante Arabidopsis thaliana plus résistante à certains pathogènes. Ces travaux permettent ainsi de mieux comprendre les processus évolutifs ayant lieu in natura mais aussi lors de la sélection de plantes d’intérêt agronomique.

La capacité d’adaptation des plantes à un environnement changeant dépend de leur capacité à enrichir leur patrimoine génétique qui comprend notamment tous les gènes nucléaires. Cet enrichissement peut passer par une réorganisation de la structure et de la composition du génome. Le développement des approches de séquençage à longues lectures permet aujourd’hui de mieux identifier de grandes variations structurales telles que les duplications. Ces duplications permettent de doubler le nombre de copie de multiples gènes à la fois. Elles peuvent aussi créer des fusions de gènes et donner naissance à ce que l’on nomme des gènes chimériques. L’ensemble de ces modifications du génome peut modifier les caractéristiques développementales de la plante en la rendant éventuellement plus sensible ou plus résistante à des variations climatiques ou à certains pathogènes.

Cependant, ces évènements sont peu courants et leur incidence reste difficile à évaluer à court terme. L’article décrit une lignée d’Arabidopsis thaliana présentant une instabilité génomique accrue qui génère de grands évènements de duplications en tandem en l’espace de quelques générations seulement. Ainsi, en moins de 10 générations, 7 grandes duplications sont apparues, ce qui correspond à un ajout de plus de 2 millions de bases. Au final, ces 7 duplications ont conduit au doublement de plus de 600 gènes et à la création de 3 gènes chimériques.

Cette étude a par ailleurs permis d’analyser les conséquences à court terme de tels événements de duplication dont la taille moyenne est d’environ 200 kilobases. On observe que la majorité des gènes dupliqués accumulent plus d’ARN messagers, molécules correspondant au fruit de l’expression des gènes. Ce résultat suggère une additivité de l’expression des gènes dupliqués. Selon les gènes dupliqués, cette sur-expression peut entraîner des changements dans certaines voies métaboliques ou développementales. Dans cette étude, plusieurs gènes dupliqués se révèlent impliqués dans la réponse aux pathogènes. En réalisant des tests d’infections, les scientifiques ont ainsi pu montrer que cette lignée est plus résistante au nématode Heterodera schachtii et à la bactérie Pseudomonas syringae. Enfin, l’étude de l’organisation nucléaire de la lignée semble indiquer que ces duplications ont lieu préférentiellement dans des zones ayant déjà été dupliquées in natura.

En conclusion, cette étude révèle les conséquences moléculaires et phénotypiques d’évènements très récents de duplications de large portions du génome. Ces informations sont cruciales pour mieux comprendre comment les changements structuraux des génomes participent à l’évolution et à l’adaptation des plantes à leur environnement. En travaillant sur un plus grand nombre de lignées, il sera à terme possible d’anticiper les possibles réarrangements capables de se produire in natura mais aussi dans le cadre d’amélioration variétale en agronomie.

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© Frédéric Pontvianne

Figure : L’impact des grandes duplications en tandem sur l’organisation du génome.
Schéma décrivant les conséquences de deux événements de duplications dans les régions 1 et 2 d’un chromosome. Au sein de la lignée étudiée présentant une instabilité génétique accrue, 2 duplications sont apparues après 5 à 7 générations. Dans la région 1 (à gauche), le nombre de copies des gènes a doublé, ce qui entraîne une additivité de leur expression. Dans la région 2, les zones bordures de la duplication correspondent à des gènes. L’encadré à droite montre qu’en conséquence, une partie des gènes en bordure fusionne au point de jonction de la duplication, créant ainsi un gène chimérique capable de produire un ARN messager chimérique.

 

Pour en savoir plus :

Large tandem duplications affect gene expression, 3D organization, and plant–pathogen response
Picart-Picolo A, Grob S, Picault N, Franek M, Llauro C, Halter T, Maier TR, Jobet E, Descombin J, Zhang P, Vijayapalani P, Baum TJ, Navarro L, Dvorackova L, Mirouze M, Pontvianne F. Genome Research 8 Oct 2020.  doi:10.1101/gr.261586.120

Contact

Frédéric Pontvianne
Chercheur CNRS au Laboratoire génome et développement des plantes

Laboratoire

Laboratoire génome et Développement des Plantes (Université de Perpignan/CNRS)
bat T Université de Perpignan,
58 avenue Paul Alduy, 66860 Perpignan cedex France