Des p’tits trous, des p’tits trous, boucher les p'tits trous !

Résultats scientifiques Biologie végétale

Les tissus aériens des plantes sont protégés de la déshydratation par la cuticule. Chez les plantes à graines, celle-ci est produite en premier lieu par l’embryon qui est ainsi protégé dès sa sortie de la graine. Pour être fonctionnelle, la cuticule doit être continue. Cet article, publié dans la revue Science, met en évidence un mécanisme qui permet de détecter les trous dans la cuticule embryonnaire et de les combler chez Arabidopsis thaliana. Ce mécanisme met en jeu un dialogue moléculaire complexe entre l’embryon et le tissu l’entourant dans la graine, l’albumen.

La vie végétale est apparue et s’est développée en milieu aquatique. La sortie des plantes hors des eaux a eu lieu il y a environ 450 millions d’années et a profondément modifié la face de la Terre. Les conditions de vie entre le milieu terrestre et aquatique étant très différentes, cette transition a requis un certain nombre d’adaptations majeures chez les plantes leur permettant de survivre aux conditions stressantes de la vie hors de l’eau. Une des contraintes majeures du milieu terrestre est qu’il est très desséchant pour des organismes composés majoritairement d’eau comme les plantes. Conserver l’eau dans les tissus est par conséquent une des problématiques majeures pour les plantes vivant sur terre. Au cours de processus de sélection naturelle, les plantes ont ainsi développé une couche hydrophobe entourant leurs tissus aériens, appelée cuticule, qui limite fortement leur perte en eau. La cuticule est essentielle pour leur survie et des défauts dans cette structure entrainent le plus souvent la mort. Du fait de son importance, la cuticule est requise dès lors que la plante est exposée aux conditions sèches de l’atmosphère. Dans le cas des plantes à graines, cela arrive lorsque l’embryon sort de la graine, au cours de la germination pour former la jeune plantule. Par conséquent, la présence d’une cuticule entourant et protégeant l’embryon est déjà nécessaire à ce stade. La cuticule se forme ainsi antérieurement, au cours du développement de la graine. Lors de ces étapes, l’embryon est entouré d’autres tissus et n’est pas encore soumis aux conditions stressantes de l’atmosphère.

Chez l’arabette des dames (Arabidopsis thaliana), plante très étudiée par les généticiens, la découverte de mutants qui ont des problèmes de formation de la cuticule embryonnaire a été la première étape dans la compréhension de ce mécanisme. Chez certains mutants, l’embryon a perdu la capacité de former une cuticule continue et, dans des conditions d’humidité normales, la jeune plantule meurt rapidement de déshydratation, l’eau des tissus s’échappant par les trous. Il s’agit alors de comprendre comment l’embryon d’une plante non mutante arrive à générer une cuticule continue à sa surface, assurant ainsi sa protection et sa survie suite à la germination. C’est en étudiant les gènes affectés dans ces mutants, en collaboration avec des laboratoires allemands et suisses, que les chercheurs ont pu décrire un mécanisme de contrôle de l’intégrité de la cuticule embryonnaire.

Ce travail montre que l’embryon émet un messager chimique qui se déplace en passant par les trous de la cuticule vers le tissu l’entourant dans la graine, l’albumen. Ce messager, inactif dans l’embryon, est activé par une protéine de l’albumen. Une fois actif, il revient vers l’embryon en passant à nouveau par les trous de la cuticule. Il est alors perçu par des récepteurs à la surface de l’embryon et une réponse se met en place, conduisant à la fermeture des trous de la cuticule. Lorsque la cuticule est fermée de manière continue, le messager ne peut plus traverser la surface de l’embryon et reste ainsi séparé de son activateur qui lui, est retenu de l’autre côté de la barrière, dans l’albumen. Si un nouveau trou apparait lors de la croissance de l’embryon, ce mécanisme s’active à nouveau permettant son comblement.

Ainsi, par le dialogue entre l’embryon et l’albumen, la plante est capable de produire une cuticule sans trou et donc fonctionnelle avant la germination. Ce mécanisme est essentiel pour la jeune plantule, lui permettant de survivre aux conditions sèches de l’atmosphère dès lors qu’elle y est exposée.

figure
© Gwyneth Ingram & Nicolas Doll

Figure : Un dialogue moléculaire entre l’embryon et le tissu l’entourant dans la graine, l’albumen, permet de détecter les trous dans la cuticule embryonnaire et de les combler chez Arabidopsis.

Pour en savoir plus :

A two-way molecular dialogue between embryo and endosperm is required for seed development.
Doll NM, Royek S, Fujita S, Okuda S, Chamot S, Stintzi A, Widiez T, Hothorn M, Schaller A, Geldner N, Ingram G.

Science. 2020 Jan 24;367(6476):431-435. doi: 10.1126/science.aaz4131.

Laboratoire :

Reproduction et Développement des Plantes (CNRS/INRAE/ENS de Lyon/Université de Lyon)
46 Allée d'Italie
69364 Lyon cedex 07

Contact

Gwyneth Ingram
Chercheuse CNRS au Laboratoire de reproduction et développement des plantes (Univ Lyon/ENS de Lyon/UCB Lyon 1/CNRS/INRAE)