Des ondes cérébrales pour prédire le monde

Résultats scientifiques Neuroscience, cognition

Le codage prédictif propose que le cerveau génère une représentation mentale du monde extérieur qui est ensuite comparée aux entrées sensorielles réelles.
Un tel modèle ayant comme seules contraintes temporelles les temps de transmission neuronale met en évidence l’apparition de vagues de rythmes alpha se propageant dans le cerveau de façon dépendante de l’état cognitif ; c’est ce qui est également observé sur des enregistrements électroencéphalographiques. Ces résultats, publiés dans la revue PLOS Biology, permettent de proposer que les rythmes alpha pourraient refléter le calcul neuronal impliqué dans le codage prédictif.

Le fonctionnement du cerveau reste encore une énigme et de nombreux modèles ont été avancés pour tenter d’expliquer comment nous percevons le monde extérieur. Le codage prédictif, proposé il y a une vingtaine d’années, repose sur l’idée que le cerveau est capable de générer une représentation mentale du monde extérieur qui est ensuite comparée aux entrées sensorielles réelles. Les différences entre prédiction et réalité vont entrainer une activité neuronale de correction ; si les entrées sensorielles correspondent parfaitement au modèle, aucune activité n’est générée.

Récemment, les chercheurs ont montré que l’organisation spatiale et temporelle des vagues cérébrales alpha à 10 Hz, propriété fondamentale du traitement cortical des informations visuelles, permettait de les considérer comme de véritables échos perceptuels scannant le champ visuel dans le but de localiser des objets.

Dans ce nouvel article, ils démontrent qu’un modèle computationnel prédictif explique la mise en place et les caractéristiques de ces vagues cérébrales alpha à 10 Hz apparaissant spontanément sans générateur de rythme interne.

L’élément clé de ce travail est l’utilisation de contraintes qui soient plausibles sur le plan physiologique. Ainsi, un modèle prédictif constitué de 2 niveaux de traitement et ayant comme seules contraintes temporelles les temps de transmission neuronale met en évidence l’apparition de rythmes alpha ; ces rythmes sont similaires à ceux qui sont observés expérimentalement sur des électroencéphalogrammes de sujets placés devant des écrans de stimulation visuelle.

Le même modèle à plus de 2 niveaux de traitement explique l’apparition de vagues se propageant à travers ces différents niveaux avec une direction dépendant de l’état cognitif : direction montante pendant le traitement d’une information visuelle et descendante pendant le repos.

Les prédictions obtenues sont parfaitement vérifiées par l’analyse de deux jeux de données EEG expérimentales enregistrées sur le scalp de sujets en réponse à des stimulations visuelles et pendant des temps de repos.

Ces résultats, observés au cours de différents états cognitifs, apportent de nouvelles informations sur le rôle fonctionnel de l’activité oscillatoire omniprésente dans le cerveau humain. Ils permettent de proposer que les rythmes alpha, outre leurs rôles dans le traitement de l’information visuelle, pourraient refléter le calcul neuronal impliqué dans le codage prédictif.
 

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© Rufin VanRullen & Andrea Alamia

Figure : Haut gauche : un modèle de codage prédictif simple dans lequel le niveau hiérarchiquement supérieur effectue des prédictions y (t) sur l'entrée au niveau inférieur et l’erreur x (t) est utilisée pour mettre à jour la prédiction suivante. Les erreurs et les signaux de prédiction sont respectivement transmis au niveau suivant ou précédent avec un délai de communication (DT). Haut droite : ce modèle, avec des paramètres physiologiquement plausibles, génère une fonction de réponse impulsionnelle (IRF) oscillatoire semblable à celle vue dans les enregistrements expérimentaux.
Bas : l'IRF peut être interprétée comme une onde progressive observée sur la carte en 2D construite en superposant les signaux des 7 électrodes médianes d’enregistrement.

 

Pour en savoir plus :
Alpha oscillations and traveling waves: Signatures of predictive coding?
Alamia A, VanRullen R.
PLoS Biol. 2019 Oct 3;17(10):e3000487. doi: 10.1371/journal.pbio.3000487. eCollection 2019 Oct.

Contact

Rufin VanRullen
Chercheur CNRS au centre de recherche cerveau et cognition (CerCo) - (CNRS/Univ. Toulouse Paul Sabatier)