Des neurones de schéma dans le cerveau

Résultats scientifiques Neuroscience, cognition

Comment le cerveau se représente-t-il l’espace ? Les chercheurs ont observé l’activité cérébrale de macaques alors que ces animaux naviguaient dans des environnements 3D virtuels à la recherche d’une récompense. Ils ont montré que certains neurones d’une structure essentielle à la mémoire, l’hippocampe, permettent de mémoriser les détails des environnements (mémoire épisodique) tandis que d’autres codent la logique d'organisation de l'espace, lorsqu'elle se répète. Ces « cellules de schéma » codent le rôle fonctionnel attribué à des repères visuels plutôt que leur apparence. Ces résultats, publiés dans la revue Science, montrent qu'une forme de pensée abstraite existe chez le macaque rhésus.

L’hippocampe est une structure du lobe temporal du cortex cérébral qui joue un rôle essentiel dans la mémoire des souvenirs (mémoire épisodique) ainsi que dans l’orientation spatiale. Des lésions de cette partie du cerveau, comme dans la maladie d’Alzheimer, mènent à des pertes mnésiques et de profondes désorientations.
Les chercheurs sont parvenus à préciser le rôle des neurones de l'hippocampe dans la mémoire spatiale chez le singe. Les animaux étaient plongés dans un environnement 3D virtuel (labyrinthe en étoile) où ils devaient trouver une récompense invisible en se repérant grâce à des éléments distants (des amers, par exemple l’arbre de l’illustration). Après des semaines d’entraînement dans un environnement devenu familier, les animaux ont été testés dans des environnements à la géométrie identique mais dont les amers changent chaque jour. Quelques essais et erreurs sont alors suffisants aux animaux pour se repérer, démontrant ainsi leur compréhension de la tâche et de la structure de l’environnement : les animaux ont formé un schéma mental de l’environnement-type.

Si beaucoup de neurones de l'hippocampe semblent coder des aspects uniques à chaque environnement, comme l’identité des amers, d’autres se comportent comme des "cellules de schéma" dont l’activité, une fois rapportée à la position de la récompense, est similaire dans tous les environnements. Ainsi, l’hippocampe pourrait représenter à la fois le caractère particulier d’expériences uniques en même temps que l’information commune à ces épisodes, réalisant un codage compact des données à mémoriser. Ceci est encore plus apparent si, au lieu de caractériser l'activité des neurones par rapport à la position de l'animal dans l’espace physique, on la repère dans un espace des états de la tâche, une représentation plus abstraite de la progression de l'animal vers son but, à l'origine utilisée en automatique ou en robotique, et prenant en compte la position, l'orientation et l'historique de navigation de l'animal. Les neurones de schéma utilisent donc tous ces indices pour construire une représentation fonctionnelle de l'environnement. Ce modèle animal pourrait être utile dans la compréhension de certaines pathologies cliniques.

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Figure : A. Représentation de l'expérience : singe face à son environnement virtuel, se déplaçant virtuellement grâce au joystick. B. Enregistrement de neurones dans l’hippocampe (rouge). C. Deux environnements isomorphes dont les amers sont différents. D. Cartes d'activité d'un neurone de l'hippocampe : dans l'espace physique (haut) et dans l'espace des états de la tâche (bas).

© Sylvia Wirth & Pierre Baraduc

 

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