Des modifications de la composition du ribosome accompagnent les changements morphologiques des cellules

Résultats scientifiques Biologie cellulaire

La transition épithélio-mésenchymateuse (EMT) est un processus biologique qui permet aux cellules de modifier leur forme et leur fonction pour migrer. Essentiel au développement embryonnaire et à la réparation tissulaire, l’EMT est aussi impliqué dans la formation de métastases. Dans un article publié dans PNAS, des scientifiques montrent que des modifications dans la composition du ribosome, l’usine cellulaire qui permet la traduction des protéines, accompagnent cette transition et que la surexpression d’une seule protéine ribosomique peut induire l’EMT.

La transition epithélio-mésenchymateuse (EMT) chez l’homme.

La transition épithélio-mésenchymateuse (EMT) est un processus biologique au cours duquel une cellule, initialement fixée dans un tissu (comme les cellules de la peau), acquiert la capacité de se déplacer et d'envahir d'autres tissus. Cette cellule va ainsi pouvoir changer de forme et de fonction pour s'adapter à un nouvel environnement. Cette reprogrammation génétique est cruciale dans de nombreux processus biologiques, tels que le développement embryonnaire et la cicatrisation. Cependant, l'EMT joue également un rôle néfaste dans la progression tumorale, en conférant aux cellules cancéreuses la capacité de se disséminer et de former des métastases. Au niveau génétique ces changements sont orchestrés par des modifications profondes de l'expression de ses gènes. En effet, l'EMT s'accompagne d'une régulation à la hausse de gènes codant des protéines favorisant la mobilité cellulaire et la dégradation de la matrice extracellulaire, tout en supprimant l'expression de gènes associés à l'adhérence cellulaire. Ces réarrangements génétiques sont souvent orchestrés par des facteurs de transcription tels que ZEB1, qui réprime l'expression de gènes codant pour des molécules d'adhésion comme l'E-cadhérine, tout en activant des gènes favorisant l'invasion. Ces réarrangements génétiques permettent ainsi à la cellule de perdre ses caractéristiques épithéliales et d'acquérir un phénotype mésenchymateux, plus invasif. 

La plasticité du ribosome un acteur essentiel pour la mise en place de l’EMT

Une fois transcrit les ARNm sont pris en charge par les ribosomes pour assurer la synthèse des protéines correspondantes. Le ribosome, composé à la fois d’ARN et de protéines, a longtemps été perçu comme une machine moléculaire immuable. Or il apparaît clairement ces dernières années, qu’il faut plutôt parler d’une population de ribosomes que d’un ribosome. En effet, aux modifications chimiques des constituants des ribosomes se rajoute aussi la possibilité de remplacer des protéines constituantes du ribosome. Ceci donne naissance à une grande hétérogénéité de ribosome dans les cellules. 

Dans un article publié dans la revue PNAS, des scientifiques ont cherché à identifier les changements traductionnels qui se produisent durant l’EMT, non seulement au niveau des ARNm cellulaires, mais aussi dans la composition des ribosomes. Pour cela ils ont utilisé un modèle cellulaire surexprimant le facteur de transcription ZEB1, ce qui permet de déclencher une EMT complète des cellules. Ils ont utilisé une technique appelée Riboseq qui consiste à fixer les ribosomes présents sur l’ARN messager qu’ils sont en train de traduire. Les régions des ARN messagers non associées au ribosome sont ensuite dégradées puis les complexes ARN-ribosome sont isolés et la position des ribosomes est étudiée. Cette approche de génomique a permis de réaliser le panorama global de la traduction lors de l’EMT. Les résultats montrent que la composition du ribosome est modifiée durant l’EMT. Ils ont pu constater en particulier une augmentation d’une protéine ribosomale appelée RPL36A qui se traduit par augmentation des erreurs de traduction, notamment au niveau des codons stop. Par ailleurs la surexpression seule de la protéine RPL36A est suffisante pour induire l’EMT dans les cellules épithéliales en culture.

Ces travaux démontrent l’importance de la reprogrammation des ribosomes, et de la fidélité de la traduction dans les changements d’état des cellules, ce qui présente potentiellement de nouvelles voies thérapeutiques pour lutter contre l’apparition de métastases.

© Sonhita Chakraborty

Figure : L'image est une illustration artistique des changements traductionnels et morphologiques qui se produisent lors de la Transition Épithélio-Mésenchymateuse (EMT). Elle met en évidence comment le changement de composition du ribosome stimule cette transition.

En savoir plus : C. Morin, A. Baudin-Baillieu, F.N. Van Long, C. Isaac, L. Bidou, H. Arbes, P. François, R.M. Pommier, A. Adrait, A. Saku, S. Gran-Ruaz, C. Machkouri, C. Vanbelle, R. Morichon, M. Boissan, F. Catez, A. Ferrari, A. Morel, Y. Couté, S. Chat, E. Giudice, R. Gillet, A. Puisieux, C. Moyret-Lalle, J. Diaz, O. Namy, V. Marcel, Intricate ribosome composition and translational reprogramming in epithelial–mesenchymal transition, Proc. Natl. Acad. Sci. U.S.A. 121 (50) e2408114121, https://doi.org/10.1073/pnas.2408114121 (2024).

Contact

Olivier Namy
Chercheur CNRS
Virginie Marcel
Chercheuse Inserm

Laboratoires

Institut de biologie intégrative de la cellule - I2BC (CEA/CNRS/Université Paris-Saclay)
1 avenue de la terrasse, 
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