Décryptage d’une conversation entre bactéries et plantes
Dans un article publié dans The ISME Journal, les scientifiques identifient un nouveau mécanisme stimulant le développement d’une bactérie protectrice autour des racines des plantes ouvrant la voie à de nouvelles stratégies pour la protection des cultures.
La rhizosphère, espace situé à proximité des racines végétales, est une niche écologique caractérisée par la présence de nombreux microorganismes. L’ensemble de ces microorganismes forme le microbiote, dont l’activité est indispensable pour la nutrition des plantes et leur résistance aux maladies. La structuration de ce microbiote est assurée par des mécanismes de communication complexe, notamment biochimique, entre les plantes et les microorganismes d’une part et entre les microorganismes d’autre part. Le décryptage de ces mécanismes est en enjeu majeur pour construire et piloter de façon rationnelle le microbiote végétal, notamment pour les plantes cultivées. Lors de travaux précédents, les scientifiques ont identifié une souche bactérienne, AgN23, capable d’induire de fortes réponses immunitaires chez les plantes, les protégeant ainsi contre les attaques des microorganismes pathogènes. Dans un article publié dans la revue The ISME Journal les scientifiques ont étudié le mode d’action de cette souche. Ils ont découvert qu’elle produisait une classe particulière de composés, appelés galbonolides. Le rôle des galbonolides a été étudié par des approches de génétique moléculaire et de biochimie conduisant à la conclusion que ces molécules, en interférant avec le métabolisme des sphingolipides, induisent la production par les racines de molécules de défense antimicrobiennes. De façon plus inattendue, ces études ont révélé que le développement d’AgN23 autour des racines est stimulé par la production de ces composés végétaux renforçant ainsi le rôle protecteur de la bactérie. Ces travaux ont donc permis d’identifier que des bactéries produisent des composés qui manipulent le système immunitaire des plantes afin de favoriser leur développement dans la rhizosphère. Ces travaux contribueront à terme au design rationnel de consortia microbiens pour la santé végétale.
Figure : La souche AgN23 produit des métabolites spécialisés, appelés galbonolides, qui inhibent l’activité de l’IPC synthase (IPCS), une enzyme impliquée dans le métabolisme des sphingolipides (céramides). L’altération du métabolisme des céramides entraîne la stimulation des réponses immunitaires dont la production de métabolites antimicrobiens comme la camalexine chez la plante modèle Arabidopsis thaliana. L’accumulation de camalexine dans la rhizosphère favorise en retour le développement d’AgN23 renforçant ainsi son activité biologique.
En savoir plus : Root associated Streptomyces produce galbonolides to modulate plant immunity and promote rhizosphere colonization.
Nicolle, C., Gayrard, D., Noël, A., Hortala, M., Amiel, A., Grat-Simeone, S., Le Ru, A., Marti, G., Pernodet, J-L., Lautru, S., Dumas, B. and Rey, T (2024) .19 juin 2024, The ISME Journal, DOI : https://doi.org/10.1093/ismejo/wrae112