Découverte d'un activateur endogène de la fonction atypique du récepteur NMDA
Nos neurones communiquent via des synapses pour traiter les informations perçues. Les récepteurs NMDA sont des acteurs clés qui contrôlent la force de ces synapses. Dans un article publié dans la revue Neuron, les scientifiques rapportent que la protéine endogène AETA est un modulateur essentiel du récepteur NMDA. AETA possède la propriété unique d'inhiber sa fonction classique « canal », tout en activant sa fonction atypique indépendante du canal. Cette découverte constitue une cible thérapeutique prometteuse pour les pathologies cérébrales liées au récepteur NMDA.
Les récepteurs NMDA, éléments essentiels aux processus cognitifs.
Les récepteurs NMDA sont essentiels pour la plupart des processus cognitifs du système nerveux central car ils contrôlent la force des synapses lors des modifications de l'activité cérébrale. Une altération de leur fonction est observée dans de nombreuses pathologies cérébrales telles que la maladie d'Alzheimer, la maladie de Parkinson, la maladie de Huntington, la schizophrénie, la dépression, les AVC, l'épilepsie, les troubles du spectre autistique, le handicap intellectuel et l'encéphalite anti-récepteur NMDA. Pendant des décennies, les scientifiques ont pensé que les récepteurs NMDA fonctionnaient essentiellement comme des canaux ioniques, nécessitant la liaison du glutamate et des co-agonistes glycine ou D-sérine. Cette fonction permet l'entrée de calcium dans les synapses pour activer une cascade d'événements nécessaires à la transmission de l'information. Cependant, des preuves récentes suggèrent que les récepteurs NMDA pourraient également fonctionner dans un mode alternatif et atypique. Ce mode ne nécessite pas le passage d'ions à travers le canal, mais plutôt un changement de conformation menant à une activité indépendante du flux ionique. Cette activité atypique est liée à l'affaiblissement des synapses, un processus crucial pour réguler la connectivité entre les neurones. Ce double mode d'activité reste énigmatique. Le récepteur NMDA peut-il basculer rapidement entre ses deux modes d'activités? Si oui, comment le fait-il? Cela impacte-t-il la cognition? Est-ce dépendant de l'activité neuronale?
La protéine AETA, modulateur essentiel du récepteur NMDA
Dans un article publié dans la revue Neuron, les scientifiques décrivent AETA comme un nouvel acteur moléculaire qui contrôle ce basculement. L'existence d'AETA (également appelé Ah) a été décrite en 2015. AETA est clivé de la protéine précurseur amyloïde-b (APP), une protéine fortement impliquée dans la maladie d'Alzheimer, pour être ensuite sécrété dans le cerveau. Les scientifiques avaient alors montré qu'un contact direct avec de petites quantités d'AETA soluble réduit immédiatement l'activité des neurones dans le système nerveux central, mais le mécanisme d'action était inconnu. Les résultats publiés permettent d’expliquer comment AETA agit au niveau des synapses. En utilisant des enregistrements électrophysiologiques et de l'imagerie fonctionnelle, les scientifiques démontrent qu'AETA inhibe directement et spécifiquement la fonction de canal ionique du récepteur NMDA en compétition avec les co-agonistes (glycine/D-sérine). La liaison d'AETA entraîne un changement de conformation du récepteur, associé à une augmentation de l'activité atypique alternative du récepteur ne nécessitant pas de flux ionique. La liaison d'AETA favorise cette activité atypique du récepteur NMDA, menant à l'affaiblissement des synapses et au rétrécissement des épines dendritiques, les unités structurelles hébergeant les synapses. Aucune autre molécule cérébrale endogène connue ne possède cette propriété unique d'agir comme une clé déverrouillant cette fonction atypique. Les scientifiques ont également créé de nouveaux modèles murins dépourvus d'AETA ou sur-exprimant AETA pour montrer la nécessité d'AETA dans le contrôle de la signalisation du récepteur NMDA, l'affaiblissement des synapses et la formation de la mémoire dépendante des récepteurs NMDA. Enfin, en utilisant la chemogénétique, ils montrent que la production d'AETA est augmentée lorsque les neurones sont activés in vivo, fournissant ainsi une autre preuve que la régulation de l'activité du récepteur NMDA dépendante d'AETA est un mécanisme physiologique essentiel pour le traitement de l'information cérébrale. Les prochaines étapes consisteront à déterminer si ce nouveau mécanisme endogène est compromis dans les différentes maladies cérébrales impliquant le récepteur NMDA. Cette exploration offrira de grandes opportunités pour rechercher des stratégies innovantes afin de traiter les nombreux troubles cérébraux liés à ce récepteur.
Figure : la petite protéine AETA, qui est clivée de la protéine précurseur amyloïde-β (APP) lors de l'augmentation de l'activité neuronale, concurrence la D-sérine/la glycine pour inhiber la fonction du canal du récepteur NMDA. La liaison d'AETA entraîne un changement de conformation du récepteur. La modulation du récepteur dépendante d'AETA induit l'affaiblissement des synapses et le rétrécissement des épines dendritiques, deux fonctions du récepteur NMDA liées à son mode d'activité atypique indépendant du flux ionique. Diagramme créé par Biorender.com.
Pour en savoir plus :
APP Fragment Controls Both Ionotropic and Non-Ionotropic Signaling of NMDA Receptors. Dunot J*, Moreno S*, Gandin C, Pousinha PA, Amici M, Dupuis J, Anisimova M, Winschel A, Uriot M, Petshow SJ, Mensch M, Bethus I, Giudici C, Hampel H, Wefers B, Wurst W, Naumann R, Ashby MC, Laube B, Zito K, Mellor JR, Groc L, Willem M and Marie H
Neuron, 14 juin 2024, DOI : https://doi.org/10.1016/j.neuron.2024.05.027
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