De but en blanc : l’environnement en fait voir de toutes les couleurs à Némo !
Et si le développement des bandes blanches du poisson-clown pouvait être modulé par l’environnement ? C’est ce que les scientifiques montrent dans la revue PNAS. En effet, ils ont observé dans la baie de Kimbe en Papouasie Nouvelle-Guinée que les bandes blanches se formaient plus ou moins vite selon l’espèce d’anémone dans laquelle vivent ces poissons. Plus particulièrement, ils montrent que cette modulation est liée à une différence de leur taux d’hormones thyroïdiennes.
Lorsqu'un animal évolue au beau milieu d'un paysage qui connaît d'importants changements, au fil des saisons par exemple, il peut lui être utile de changer de couleur afin de ne pas faire tache dans un habitat luxuriant l'été et enneigé l'hiver comme pour le renard polaire. Ce type de phénomène, que l’on appelle plasticité phénotypique est la capacité d’un organisme à exprimer différents phénotypes en fonction de son environnement et la façon dont cette plasticité est orchestrée reste une énigme.
Ainsi, les juvéniles de poisson-clown peuvent retarder la formation de leurs bandes blanches selon les anémones dans lesquelles ils vivent : anémones dites tapis (Stichodactyla gigantea) ou anémones magnifiques (Heteractis magnifica). Le poisson-clown vit en symbiose avec les anémones de mer, mais ces poissons colorés ne le sont pas au début de leur vie : les petites larves sont jaunes voire transparentes. Ce n’est qu’au moment de leur métamorphose qu’elles commencent à changer de couleur et que leurs bandes blanches apparaissent, d’abord sur la tête et le corps, puis au niveau de la queue.
Les scientifiques se sont concentrés sur le rôle des hormones thyroïdiennes, connues comme jouant un rôle clé dans la métamorphose, processus très important pour le poisson-clown, puisque c’est au cours de cette transition développementale qu’il change son apparence et qu’il change d’environnement en s’installant dans son anémone de mer. Ainsi, comprendre comment le processus de métamorphose peut être modifié chez le poisson-clown en fonction de l’espèce d’anémone de mer dans laquelle il vit peut aider à comprendre comment les poissons-clowns s’adaptent à leurs différents environnements.
Pour comprendre le rôle de ces fameuses hormones thyroïdiennes, les chercheurs ont exposés en laboratoire de jeunes larves de poissons-clowns avec différentes doses de ces hormones. Ils ont observé que plus la dose était forte, plus vite les bandes blanches se formaient. Au contraire, en traitant de la même manière ces jeunes larves, mais cette fois avec une molécule bloquant la synthèse des hormones thyroïdiennes, l’apparition des bandes était retardée.
Finalement, les chercheurs sont retournés dans la baie de Kimbe et ont dosé les hormones thyroïdiennes chez des juvéniles du même âge et taille, prélevés dans des anémones de mer S. gigantea ou H. magnifica. Ils ont observé que les taux d’hormones thyroïdiennes étaient bien plus importants chez les juvéniles prélevés chez S. gigantea que chez ceux prélevés chez H. magnifica, permettant ainsi une formation plus rapide des bandes blanches chez ces individus. En étudiant de plus près les deux populations de poissons, les scientifiques ont identifié un gène appelé duox, responsable de cette augmentation du taux d’hormones thyroïdiennes. Ce gène est également important chez l’homme pour la formation de ses hormones.
Ces travaux montrent donc comment, en fonction de l’environnement dans lesquels ils vivent (ici différentes espèces d’anémones), les organismes vivants (ici des poissons-clowns) peuvent modifier leur développement (ici l’apparition des bandes blanches) en modifiant leur production hormonale. Ces mêmes types de mécanismes se mettent en route lorsque les organismes doivent s’adapter à d’autres changements environnementaux comme le réchauffement climatique, la pollution chimique ou l’acidification des océans. Ces mécanismes de plasticité sont donc à la base des capacités évolutives et d’adaptation des organismes vivants.
Pour en savoir plus :
Thyroid hormones control the formation and plasticity of white bars in clownfishes.
Pauline Salis, Natacha Roux, Delai Huang, Anna Marcionetti, Pierick Mouginot , Mathieu Reynaud, Océane Salles, Nicolas Salamin, Benoit Pujol, David M. Parichy, Serge Planes et Vincent Laudet.
Proceedings of the National Academy of Sciences USA. 8 juin 2021 https://doi.org/10.1073/pnas.2101634118
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