Compromis évolutif entre divers environnements chez le nématode C. elegans.
La plasticité phénotypique adaptative permet aux organismes de faire face aux variations environnementales. Dans une étude publiée dans la revue Current Biology, des chercheurs ont caractérisé un variant naturel du nématode Caenorhabditis elegans qui augmente la plasticité phénotypique adaptative au détriment de la vitesse de développement, en perturbant la production d’une hormone stéroïdienne. Grâce à ce compromis évolutif, ce variant délétère en conditions favorables devient bénéfique dans les environnements stressants.
De nombreuses espèces sont capables d’adopter des phénotypes alternatifs, en réponse à des stimuli environnementaux, un phénomène appelé plasticité développementale adaptative. Cette faculté permet aux organismes de faire face à des habitats hétérogènes. De nombreuses études ont montré que cette plasticité présente une variabilité naturelle mais les bases génétiques et moléculaires de celle-ci ont rarement été élucidées.
Cette étude porte sur un exemple de plasticité développementale chez le nématode Caenorhabditis elegans qui, lorsque les conditions environnementales sont très défavorables, est capable d’adopter un stade larvaire alternatif de résistance appelé "dauer". Les chercheurs se sont intéressés à un isolat naturel de C. elegans, JU751, qui a la capacité inhabituelle d’entrer en dauer en réponse à des stress environnementaux peu intenses (densité de population, température élevée, agents oxydatifs, pathogènes). Ils ont pu identifier la cause génétique de cette hypersensibilité : une délétion de 92 paires de bases qui affecte l’expression du gène eak-3. Ce gène eak-3, exclusivement exprimé dans certaines cellules endocrines, semble participer à la production de l’hormone acide dafachronique (DA), un stéroïde inhibiteur de l’entrée en stade larvaire dauer. Une réduction de l’expression du gène eak-3 entraine une diminution constitutive de la production de DA, abaissant ainsi le seuil de stress environnementaux nécessaire à l’induction de dauers.
En plus d’affecter la décision d’entrer en dauer, cette délétion du gène eak-3 réduit la vitesse de développement des larves. Ainsi, en conditions favorables, JU751 atteint la maturité sexuelle avec un retard de plusieurs heures. Ce retard développemental est lié à un effet pléiotropique (multiple) du déficit en DA et suggère que la délétion dans eak-3 a conduit à l’émergence d’un compromis évolutif entre durée de développement et plasticité développementale. En accord avec ce scénario, des expériences de compétition montrent que les porteurs de la délétion dans eak-3 sont rapidement remplacée par les porteurs de l’allèle de référence en conditions favorables. A l’inverse, cette délétion confère un avantage sélectif net en conditions expérimentales stressantes, en facilitant la formation de dauer. Cette étude démontre bien que, du fait de la pléiotropie hormonale, un changement génétique unique peut engendrer un compromis évolutif entre plusieurs types d'environnement.
Pour en savoir plus :
A Natural Mutational Event Uncovers a Life History Trade-Off via Hormonal Pleiotropy
Billard B, Vigne P, Braendle C
Current Biology 3 Sept 2020. DOI: 10.1016/j.cub.2020.08.004
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