Comment les mycoplasmes mettent en échec le système immunitaire
Pour un pathogène, échapper au système immunitaire de son hôte est une question de survie. Dans une étude publiée dans la revue Science Advances, les scientifiques révèlent un mécanisme grâce auquel les mycoplasmes arrivent à briser les anticorps : les protéines MIB et MIP effectuent une véritable clé de bras moléculaire, similaire à la technique « juji gatamé » utilisée en ju-jitsu. Ces résultats nous éclairent sur la virulence des mycoplasmes, et ouvrent des perspectives pour l'utilisation de MIB et MIP comme outils biotechnologiques dans le domaine des anticorps.
Les mycoplasmes sont des petites bactéries capables d’infecter les animaux d’élevage et l’Homme. Certaines espèces de mycoplasmes sont pathogènes et sont responsables d’infections respiratoires, génitales ou urinaires chroniques. Ces bactéries sont naturellement insensibles à de nombreux antibiotiques (β-lactamines...) et l'émergence de souches résistantes aux rares antibiotiques efficaces (la tétracycline en particulier) est préoccupante, d’autant plus qu’aucun vaccin efficace n'est disponible.
Les mycoplasmes, comme les autres pathogènes, sont engagés dans une lutte permanente pour déjouer les défenses immunitaires de leurs hôtes. Il leur faut notamment échapper aux anticorps, véritables « missiles à tête chercheuse » qui permettent de reconnaître et de détruire les agents infectieux identifiés comme du « non soi ». Les anticorps reconnaissent les pathogènes en se fixant spécifiquement sur des régions appelées antigènes, les neutralisant jusqu’à leur destruction par les cellules immunitaires.
Afin d’échapper au système immunitaire et se propager dans leurs hôtes, les mycoplasmes ont développé un mécanisme redoutable leur permettant d’inactiver les anticorps. Ce système est composé de deux protéines, appelées Mycoplasma Immunoglobulin Binding (MIB) et Mycoplasma Immunoglobulin Protease (MIP). La première (MIB) est capable de capturer les anticorps qui arrivent à proximité de la bactérie ; la seconde (MIP) vient couper la région de reconnaissance des antigènes, rendant les anticorps inopérants.
Les scientifiques ont décrypté le mécanisme d’action du système MIB-MIP, en visualisant son architecture moléculaire à l’échelle atomique grâce à la technologie de pointe de la cryo-microscopie électronique.
Ces travaux mettent lumière un mécanisme totalement nouveau, ressemblant à la technique de clé de bras « juji gatamé » utilisé au ju-jitsu ou au judo. L’anticorps est successivement capturé, tordu, décroché de sa cible, amputé de sa région de reconnaissance de l’antigène, avant d’être enfin relâché. Ces éléments permettent d’éclairer notre compréhension de la chronicité des infections à mycoplasmes, et indiquent que MIB et MIP seraient des cibles thérapeutiques d’intérêt en santé vétérinaire et humaine.
La capacité de MIB à dissocier les anticorps fixés sur leurs antigènes est particulièrement frappante. Cette propriété est unique, et pourrait être utilisée dans l’avenir pour développer de nouveaux outils biotechnologiques de manipulation des anticorps ou dissocier les anticorps liés à leur antigène (complexes immuns) dans des applications diagnostiques ou thérapeutiques.
Pour en savoir plus
Nottelet P, Bataille L, Gourgues G, Anger R, Lartigue C, Sirand-Pugnet P, Marza E, Fronzes R, Arfi Y.Sci Adv. 2021 Mar 5;7(10):eabf2403. doi: 10.1126/sciadv.abf2403.
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Microbiologie fondamentale et pathogénicité
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