Comment le Streptocoque du Groupe A envahit-il un tissu humain

Résultats scientifiques Microbiologie

Le Streptocoque du groupe A (SGA) est responsable de la fièvre puerpérale, infection parmi les plus redoutées chez la femme après l’accouchement. Les scientifiques ont voulu comprendre les mécanismes mis en jeu. Par des analyses coordonnées du comportement du SGA et de la réponse immunitaire de l’hôte suite à une infection ex vivo de tissu utérin humain, ils ont montré que cette bactérie se multipliait très efficacement à la surface du tissu, puis l’envahissait en tuant 50% des cellules de la muqueuse utérine formée au cours de la grossesse, et limitait drastiquement la réponse immunitaire innée. Ces résultats sont publiés dans le Journal of Clinical Investigation.

Le Streptocoque du groupe A (SGA), une bactérie pathogène à Gram positif strictement humaine, est responsable de 517 000 décès par an dans le monde, dont 163 000 sont dus à des infections invasives. Parmi elles, la fièvre puerpérale est une infection redoutable de la muqueuse utérine ; le taux de mortalité des mères suite à l'accouchement était d'environ 10 % avant l'introduction de mesures prophylactiques efficaces. Cette infection reste, de par le monde, responsable de plus de 75 000 décès maternels par an. Jusqu’à présent les facteurs et les mécanismes permettant l'établissement et l'invasion par le SGA de la muqueuse utérine au décours de l’accouchement demeuraient peu connus.

Les scientifiques ont caractérisé les premières étapes de l'infection dans un modèle d'infection ex vivo de la décidue utérine humaine, la muqueuse utérine au cours de la grossesse, porte d'entrée de cette infection. Une analyse coordonnée des capacités physiologiques du SGA et de la réponse immunitaire tissulaire a été réalisée en infectant ex vivo de la décidue avec une souche de SGA "témoin" représentative responsable de fièvre puerpérale et des mutants construits dans des gènes d’intérêt. Les chercheurs ont démontré que la bactérie adhérait à la surface de la décidue, puis se multipliait exclusivement au contact du tissu, indiquant que des produits sécrétés par le tissu utérin lui permettait une croissance très rapide. Ils ont également démontré que deux facteurs de virulence majeurs de SGA, la protéase SpeB et la streptolysine O (SLO) intervenaient au niveau de l’invasion tissulaire. SpeB favorise ce processus en permettant aux bactéries d’accéder aux cellules présentes sous les protéines de matrice plusieurs mm sous la surface et SLO en permettant aux bactéries de survivre en tuant approximativement 50% des cellules déciduales immunitaires et stromales dans les heures qui suivent le début de l’infection.

Les scientifiques ont examiné la réponse immunitaire innée de la décidue utérine suite à l’infection ex vivo par SGA. En particulier, ils ont scruté dans la ligne de défense de la décidue la réponse qui correspond à la synthèse par les cellules de molécules-signal permettant de réguler et coordonner l'activité et la fonction des cellules de l’immunité. Ils ont montré que SGA altère la première ligne de défense de la décidue. En effet, suite à l’infection de ce tissu, seules 10 molécules impliquées dans la reconnaissance du pathogène sont synthétisées contrairement à d’autres streptocoques avec lesquels plus de 32 sont produites. De plus, de manière remarquable, aucun des médiateurs participant à l’amplification nécessaire pour une réponse immunitaire efficace n’est synthétisé. Cela permet donc à cette bactérie de survivre et de se multiplier dans la décidue utérine humaine.

Cette étude démontre qu'une invasion efficace de la décidue par le SGA et la réponse immunitaire restreinte de l'hôte corrèlent avec la propension qu’a ce pathogène redoutable, dans un contexte gynéco-obstétrical, à développer des infections invasives rapides et souvent gravissimes.

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© Agnès Fouet

Figure : Les étapes successives de l’invasion de la décidue par SGA sont représentées. 1) La décidue sécrète des nutriments et des peptides anti-microbiens et permet la multiplication de SGA à la surface du tissu. 2) SGA envahit le tissu utérin de manière SpeB-dépendante. 3) SGA est phagocyté à la surface et ceci pourrait lui permettre d’envahir ce tissu. 4) SGA induit la mort de cellules déciduales stromales et immunitaires dans un mécanisme dépendant de SLO. 5) SGA limite la réponse immunitaire innée, entravant l'amplification de cette réponse.

 

Pour en savoir plus:

Streptococcuspyogenes infects human endometrium by limiting the innate immune response.
Weckel A, Guilbert T, Lambert C, Plainvert C, Goffinet F, Poyart C, Méhats C, Fouet A.
J Clin Invest. 2020 Dec 15:130746. doi: 10.1172/JCI130746

Contact

Agnès Fouet
Directrice de recherche CNRS

Laboratoire

Institut Cochin - (Université de Paris/Inserm/CNRS/AP-HP)
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