Comment le cerveau protège-t-il nos rêves pendant notre sommeil ?
Figure : Chez le rat endormi, des neurones inhibiteurs médullaires (GiV) suppriment l’activité des motoneurones (MTn) induisant alors une paralysie corporelle. En revanche, un animal traité de façon à inactiver ces mêmes neurones médullaires n’est plus pa© Patrice Fort

Comment le cerveau protège-t-il nos rêves pendant notre sommeil ?

Résultats scientifiques

Des chercheurs du Centre de Recherche en Neurosciences de Lyon viennent de compléter le décryptage des circuits neuronaux responsables de la paralysie musculaire pendant le sommeil paradoxal, celui où l’on rêve. C’est une découverte majeure pour comprendre certains troubles neurologiques (dus à l’absence de cette immobilité corporelle) qui se manifestent par l’expression des rêves sous forme d’une agitation nocturne violente et incontrôlée. D’importantes perspectives s’ouvrent grâce à ce modèle animal validé par les chercheurs lyonnais. En effet, ces troubles moteurs pendant le sommeil paradoxal s’avèrent constituer un marqueur diagnostique précoce et fiable de la maladie de Parkinson qui démontre le lien étroit entre ces deux pathologies et qu’il sera maintenant possible de déchiffrer. Enfin, ces résultats pourraient aider à comprendre « où » et « comment » sont générés les rêves et tenter enfin de répondre à une question capitale en neurosciences cognitives : à quoi servent les rêves ? Ces travaux ont été publiés le 5 Février 2018 dans la revue Nature Communications.

C’est à Lyon à la fin des années 1950 que le Professeur Jouvet, décédé en octobre 2017, a découvert que pendant le sommeil paradoxal, le corps est soumis à une paralysie musculaire empêchant tout mouvement intempestif pendant le rêve. Et c’est toujours à Lyon presque 60 plus tard qu’une équipe du Centre de Recherche en Neurosciences de Lyon vient de franchir un pas décisif dans la compréhension des mécanismes nerveux générant cette inhibition motrice pendant le sommeil paradoxal. Après avoir récemment découvert les neurones initiateurs du phénomène (Valencia Garcia et coll., Brain 2017), les chercheurs ont cette fois-ci identifié les derniers neurones du réseau supprimant l’activité des motoneurones. Chez le rat, ils ont ciblé spécifiquement une population de neurones médullaires (GiV) en y introduisant des vecteurs viraux génétiquement modifiés qui, une fois dans les cellules neurales, bloquent l’expression d’un gène permettant la sécrétion synaptique de neurotransmetteurs inhibiteurs (glycine et GABA). Incapables de les sécréter, ces neurones ne peuvent plus communiquer avec leurs cibles et sont donc déconnectés du réseau cérébral nécessaire à la paralysie corporelle du sommeil paradoxal. Bien que profondément endormis et isolés de l’environnement, les rats ainsi traités ne sont plus paralysés pendant le sommeil paradoxal et expriment des mouvements anormaux violents et variés, reflétant très probablement leurs rêves. Ces comportements rappellent très fortement le tableau clinique des patients souffrant d’une forme de parasomnie appelée REM Sleep Behavior Disorder (RBD), une maladie du sommeil qui se déclare aux alentours de la cinquantaine et dont l’origine demeure largement incomprise.

Ces travaux de recherche fondamentale vont bien au-delà de la création d’un modèle préclinique mimant cette parasomnie. Ils pourraient avoir une importance capitale dans l’étude de certaines maladies neurodégénératives. En effet, de récents travaux cliniques ont montré que les patients diagnostiqués avec le RBD développent presque systématiquement les symptômes moteurs de la maladie de Parkinson, en moyenne une décennie plus tard. L’équipe cherche maintenant à développer un modèle animal évoluant de la parasomnie à la maladie de Parkinson afin de comprendre les prémices de la dégénérescence neuronale. Enfin, ce modèle permet d’accéder aux rêves « rêvés » par l’animal pendant son sommeil et donc d’envisager de nouvelles recherches fondamentales pour en comprendre l’origine et plus encore les fonctions physiologique, cognitive et/ou psychologique, des questions vieilles comme le monde !

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Figure : Chez le rat endormi, des neurones inhibiteurs médullaires (GiV) suppriment l’activité des motoneurones (MTn) induisant alors une paralysie corporelle. En revanche, un animal traité de façon à inactiver ces mêmes neurones médullaires n’est plus paralysé pendant le sommeil paradoxal et montre des comportements moteurs anormaux et incontrôlés (RBD) alors qu’il reste profondément endormi.
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