Comment le bacille de la tuberculose tire profit des lipides de son hôte

Résultats scientifiques Microbiologie

Responsable de 1,5 million de morts par an, la tuberculose est encore aujourd’hui la maladie infectieuse la plus meurtrière. La virulence de la bactérie responsable de cette maladie, Mycobacterium tuberculosis, repose en particulier sur sa capacité à moduler les voies métaboliques des macrophages. Les scientifiques ont montré que des lipides dérivés de l'hôte générés pendant l'infection par M. tuberculosis altèrent l'activité métabolique des macrophages, ce qui a pour conséquence de diminuer la résistance à l’infection. Ces résultats sont publiés dans la revue Cell Reports.

Dans le cadre d'un Laboratoire international associé du CNRS avec l'Argentine, les scientifiques ont utilisé des effusions pleurales provenant de patients tuberculeux. Ces effusions pleurales sont des liquides biologiques dont la composition reflète celle du microenvironnement complexe de la cavité pulmonaire crée lors de l'infection par M. tuberculosis. Grâce à des analyses par spectrométrie de masse, ils ont montré que des lipides contenus dans les effusions pleurales de patients altèrent le métabolisme de macrophages normalement microbicides (capables de contrôler le pathogène) en inhibant la fonction de HIF-1α, un facteur de transcription génétique clé de la glycolyse aérobie, la voie de dégradation du glucose, qui renforce justement la capacité des macrophages à produire des facteurs inflammatoires et microbicides contre les agents pathogènes. L’inhibition de HIF-1α induit alors un processus dit de phosphorylation oxydative, un état métabolique typique des macrophages qui participe aux processus anti-inflammatoires tels que la réparation des tissus. Suite à l’inhibition de HIF-1α, les macrophages sont moins capables de produire des espèces réactives de l'oxygène et une cytokine inflammatoire, l’interleukine 1b, un des composés clés dans l’élimination de la bactérie. Il est vraisemblable que la nature des lipides contenus dans les effusions pleurales de patients tuberculeux est caractéristique, voire induite par M. tuberculosis car on ne les retrouve pas dans d'autres pathologies pulmonaires. Ainsi, l’ensemble de ces conditions rend les macrophages plus susceptibles à l’infection par M. tuberculosis et augmente les capacités de prolifération intracellulaire de la bactérie. Il est important de noter que la stabilisation de HIF-1α par des approches pharmacologiques (dimethyloxalylglycine, par exemple), à la fois in vitro et in vivo, inverse ces effets en faveur d’un meilleur contrôle de la charge bactérienne.

Ces travaux permettent de proposer que les macrophages humains engagés vers un profil pro-inflammatoire pour contrôler l'infection peuvent être reprogrammés métaboliquement par les lipides dérivés de l'hôte lors de la tuberculose. Ils contribuent également à établir que l’utilisation d’effusions pleurales de patients est un modèle pertinent pour étudier la réponse immunitaire à l’infection par M. tuberculosis. Ce modèle apparaît ainsi complémentaire des modèles actuellement utilisés pour la recherche sur la tuberculose, et pourrait permettre à l’avenir de mieux comprendre les interactions complexes entre l'hôte et les bactéries dans l'environnement tissulaire où elles se produisent.

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© Christel Vérollet et Mélanie Genoula

Figure : Les mitochondries (bleu vert) dans les macrophages incubés avec des effusions pleurales de patients tuberculeux ont des morphologies anormales. Image de microcopie électronique à balayage réalisée sur le plateau METi (Vanessa Soldan).

 

Pour en savoir plus :

Host-Derived Lipids from Tuberculous Pleurisy Impair Macrophage Microbicidal-Associated Metabolic Activity.
Marín Franco JL, Genoula M, Corral D, Duette G, Ferreyra M, Maio M, Dolotowicz MB, Aparicio-Trejo OE, Patiño-Martínez E, Charton A, Métais A, Fuentes F, Soldan V, Moraña EJ, Palmero D, Ostrowski M, Schierloh P, Sánchez-Torres C, Hernández-Pando R, Pedraza-Chaverri J, Rombouts Y, Hudrisier D, Layre E, Vérollet C, Maridonneau-Parini I, Neyrolles O, Sasiain MDC, Lugo-Villarino G, Balboa L.Cell Rep. 2020 Dec 29;33(13):108547. doi: 10.1016/j.celrep.2020.108547.

Contact

Geanncarlo Lugo-Villarino
Directeur de recherche CNRS à l'Institut de pharmacologie et biologie structurale (IPBS)
Christel Vérollet
Chercheuse Inserm à l'Institut de pharmacologie et biologie structurale (IPBS)
Françoise Viala
Chargée de communication à l'IPBS

Laboratoire

Institut de pharmacologie et biologie structurale (IPBS) - (CNRS/Université Paul Sabatier)
BP64182
205 route de Narbonne
31077 Toulouse Cedex04