Comment la dégradation des ARN messagers contrôle l’émergence des fleurs ?

Résultats scientifiques Biologie végétale

La protéine DNE1 joue un rôle important dans la dégradation des ARN messagers chez les plantes et influence la régularité de l’émergence des fleurs. Dans une étude publiée dans la revue Plant Cell, des scientifiques ont combiné quatre approches de séquençage d’ARN à haut débit, pour améliorer l’identification des ARNm ciblés par DNE1.Cette approche a permis de découvrir un large éventail de cibles, offrant de nouvelles perspectives sur la spécificité de DNE1, son mode d’action, et son implication dans le développement des plantes.

La dégradation des ARN messagers est indispensable à l’architecture des plantes
 

La dégradation des ARN messagers (ARNm) est d’une importance primordiale pour la régulation de l'expression des gènes, le développement et la réponse au stress chez les eucaryotes. Une question clé dans ce domaine d’étude est d'identifier les facteurs impliqués dans la dégradation des ARN et de déterminer leur spécificité d'action. Chez la plante modèle Arabidopsis thaliana, une protéine, appelée DCP1-associated NYN domain endoribonuclease 1 (DNE1), qui cible les ARNm a été récemment identifiée. DNE1, ainsi que des facteurs impliqués dans l’élimination de la coiffe, un nucléotide modifié protégeant de la dégradation l’extrémité 5’ des ARNm, sont nécessaires à la régularité de l’émergence des fleurs aussi appelée phyllotaxie. Cependant le répertoire des ARNm ciblés par DNE1 et son mode d’action sont encore mal compris.

Une combinaison de techniques pour comprendre les mécanismes de cette dégradation
 

C’est en combinant quatre approches différentes de séquençage d’ARN à haut débit que les scientifiques, dans un article publié dans la revue Plant Cell, ont identifié un large éventail d’ARNm ciblés par DNE1. Cette étude a permis de mieux comprendre comment l’action de DNE1 se coordonne avec celle des facteurs activant l’élimination de la coiffe. En étudiant des plantes qui combinent des mutations dans DNE1 et d’autres facteurs importants pour la dégradation des ARN, les chercheurs ont identifié certaines caractéristiques incluant des structures secondaires de type quadruplex de G (RNA-G4) et des séquences non traduites contenant des petites séquences codantes (upstream ORFs ou uORFs), dont la présence est plus fréquente sur les ARN ciblés par DNE1. Ces deux caractéristiques ont déjà un rôle connu dans la régulation de l’expression des gènes, notamment en permettant de réguler finement la traduction des ARNm en protéines. Le recoupement des données obtenues par ces quatre approches a permis de montrer que l’action de DNE1 peut avoir différentes conséquences pour les ARNm ciblés, certains étant soumis à une coupure interne, d’autres voyant leur niveau d’accumulation varier. Enfin l’activité de DNE1 modulerait également la conversion de certain ARNm en petits ARN interférents lorsque les mécanismes de retrait de la coiffe sont déficients.

Cette étude représente une avancée majeure dans la compréhension de la spécificité et du mode d’action de DNE1 dans la dégradation des ARNm chez les végétaux. Une prochaine étape cruciale sera d’évaluer la spécificité tissulaire de l’action de DNE1. En effet, son importance pour la phyllotaxie suggère qu’elle influence la signalisation hormonale dans le méristème apical, une petite structure cellulaire très organisée qui contient les cellules souches végétales et est responsable de la production de tous les nouveaux organes chez les plantes.

© Aude Pouclet et Damien Garcia

Figure : Modèle montrant l’action coordonnée de l’endoribonucléase DNE1 et du complexe de décoiffage sur des ARN messagers. L’impact de ces deux enzymes est indiqué dans des plantes sauvages (WT), dans des plantes mutantes dans la machinerie du décoiffage (dcp2) et dans des plantes double mutantes pour le décoiffage et l’action de DNE1 (dcp2 dne1).

En savoir plus : 
Aude Pouclet, David Pflieger, Rémy Merret, Marie-Christine Carpentier, Marlene Schiaffini, Hélène Zuber, Dominique Gagliardi and Damien Garcia. A multi-transcriptomics approach identifies targets of the endoribonuclease DNE1 and provides insights on its coordination with decapping. Plant Cell. https://doi.org/10.1093/plcell/koae175

Contact

Damien Garcia
Chargé de recherche CNRS

Laboratoire

Institut de biologie moléculaire des plantes - IBMP (CNRS)
12 rue du Général Zimmer
67084 Strasbourg Cedex
France