Chez le poisson-zébre, les astrocytes influencent les neurones durant les transitions d’état comportemental en promouvant la passivité
Les astrocytes, cellules de la glie, ont longtemps été considérées comme des cellules support des neurones. Dans une étude publiée dans la revue Neuron, les scientifiques montrent, chez le poisson-zèbre, qu’elles jouent un rôle prépondérant dans la réponse visuelle durant les changements d’état comportemental. En interagissant avec les neurones, les astrocytes permettent au système nerveux de s’autoréguler sur de longues échelles de temps pour soutenir un comportement défensif.
Les astrocytes, cellules du système nerveux, ont longtemps été considérés comme des cellules destinées à fournir uniquement un soutien physique et métabolique aux neurones. Pourtant, au cours des 30 dernières années, plusieurs études ont mis en évidence que les astrocytes sont impliqués dans des fonctions qui étaient autrefois considérées comme exclusives des neurones, notamment en matière de communication cellulaire. Par exemple, il a été démontré que les astrocytes répondent à l'activité neuronale, ce qui peut être visualisé par des variations dans leur concentration intracellulaire en calcium, et en réponse, ceux-ci, sécrètent divers gliotransmetteurs qui, à leur tour, modulent l'activité neuronale.
Dans un article publié dans Neuron, les scientifiques ont approfondi les connaissances dans ce domaine et explore ainsi le rôle des astrocytes dans la modulation des réseaux neuronaux impliqués dans le traitement de l’information visuelle pendant la transition des états comportementaux. À cette fin, les chercheurs ont utilisé la microscopie bi-photonique (technique qui permet d’imager de grands circuits neuronaux sans stimuler le système visuel) et des larves transgéniques de poisson-zèbre pour suivre les variations d’activité dans les neurones et les astrocytes radiaux (possédant des similitudes fonctionnelles avec les astrocytes chez les mammifères). Bien que les astrocytes radiaux du poisson-zèbre n'aient pas la structure stellaire caractéristique des astrocytes des mammifères, elles partagent des fonctions et un profil d'expression génétique similaires.
Comme la peau des larves du poisson-zèbre est transparente, les scientifiques peuvent visualiser le cerveau sans avoir recours à la chirurgie ou à des manipulations invasives, ce qui présente un grand intérêt dans ce type d’étude comportemental. En effet, l’utilisation de ce modèle permet l'observation simultanée de l'activité des neurones, des astrocytes radiaux et du comportement. Dans cette étude, les scientifiques ont donc étudié le rôle des astrocytes radiaux dans le traitement visuel au niveau du toit optique, une région homologue au colliculus supérieur chez les mammifères, qui est considéré comme le principal centre visuel chez le poisson-zèbre.
La modulation des astrocytes radiaux promeut un état de passivité
En réponse à une forte stimulation sensorielle, les larves de poisson-zèbre manifestent une transition comportementale consistant en une réaction de fuite suivie d'une période de passivité. Les scientifiques ont provoqué cette réponse qualifiée d'alerte par divers stimuli aversifs, tels que des stimuli électriques, des stimuli visuels représentant un prédateur, ou des stimulations tactiles. Ils ont observé une augmentation synchronisée de la concentration intracellulaire du calcium des astrocytes radiaux pendant la transition comportementale. Ils ont également pu mettre en lien que cette augmentation de l'activité astrogliale était provoquée par la libération de noradrénaline par le Locus coeruleus, une région du cerveau associée au stress, à la vigilance et aux réactions de peur.
Par ailleurs, on sait que dans des conditions naturelles, lorsque les larves de poisson zèbre se déplacent dans leur environnement, elles réagissent aux signaux visuels. Ainsi, les poissons se réorientent selon le mouvement visuel dans leur environnent afin d'éviter d'être emportés par le courant. Cette réponse appelée optomotrice peut être reproduite en laboratoire en utilisant des stimuli visuels tels que des barres imitant ce flux optique, induisant le même comportement qu’en milieu naturel. Les scientifiques ont constaté que dès lors que la synchronisation de l'activité astrogliale est induite, cette réponse réflexe diminue significativement, tout comme l'activité des neurones répondant à la direction du mouvement visuel. Cela suggère que la modulation exercée par les astrocytes radiaux sur les neurones du toit optique promeut la transition comportementale vers un état de passivité.
Cette étude montre ainsi un nouveau type d’interaction entre les astrocytes et les neurones du toit optique capable d‘adapter le cerveau à différents états comportementaux pendant des longues périodes de temps.
En savoir plus :
Radial astrocyte synchronization modulates the visual system during behavioral-state transitions. Alejandro Uribe-Arias, Rotem Rozenblat, Ehud Vinepinsky, Emiliano Marachlian, Anirudh Kulkarni, David Zada, Martin Privat, Diego Topsakalian, Sarah Charpy, Virginie Candat, Sarah Nourin, Lior Appelbaum, Germán Sumbre. Published:October 19 2023. Neuron. DOI:https://doi.org/10.1016/j.neuron.2023.09.022
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