Cancer du poumon: une nouvelle piste pour combattre les résistances aux thérapies ciblées

Résultats scientifiques Physiologie et cancer

L’émergence de résistances constitue un obstacle majeur à l’efficacité de nombreuses thérapies anticancéreuses. Dans une étude publiée dans la revue Nature Communications, des scientifiques ont décrypté les étapes conduisant au développement de résistances aux thérapies ciblées dans les cancers du poumon. Ils ont montré une vulnérabilité commune des cellules tumorales à l’origine des résistances. Un traitement exploitant cette vulnérabilité est actuellement en phase d’essai clinique.

Le cancer du poumon est la première cause de décès par cancer en France et dans le monde. Le développement de nouveaux traitements, tels que les thérapies ciblées, a révolutionné la prise en charge thérapeutique des patients porteurs d’altérations génétiques sur des gènes importants dans le développement des tumeurs pulmonaires tels que EGFR, ALK, ROS1, BRAF ou plus récemment KRAS. Néanmoins, l’efficacité de ces traitements reste limitée dans le temps à cause de l’apparition de résistances.

Une grande diversité de mécanismes de résistance aux traitements
 

Il existe une très grande diversité de mécanismes de résistance, ce qui complique fortement la prise en charge thérapeutique des patients au moment de la récidive. C’est pourquoi les scientifiques s’intéressent depuis plusieurs années à identifier l’origine de ces résistances, dans le but de prévenir leur émergence. L’hypothèse d’une sélection "darwinienne" de cellules initialement résistantes au traitement a longtemps été considérée comme l’hypothèse la plus probable (la cellule qui résiste le mieux au traitement est celle qui est la plus résistante au départ). Néanmoins, de nouvelles études ont montré que les cellules tumorales avaient la capacité de s’adapter au traitement en développant des mécanismes de résistance qu’elles ne possédaient pas initialement. Cette résistance de type "lamarckienne" (la cellule qui résiste le mieux au traitement est celle qui a la plus grande capacité d’adaptation à ce traitement) est actuellement considérée comme l’une des hypothèses les plus probables de l’origine des résistances aux thérapies ciblées.

La farnesyltransférase, protéine clef dans la mise en place des résistances
 

Dans une étude publiée dans la revue Nature Communications, des scientifiques ont identifié les mécanismes moléculaires favorisant l’adaptabilité des cellules tumorales en réponse aux thérapies ciblées dans les cancers du poumon. Pour cela, ils ont d'abord étudié le comportement de cellules tumorales cultivées en présence de différentes thérapies ciblées, en réalisant un suivi en temps réel, heure par heure, cellule par cellule, depuis le début du traitement jusqu'à la rechute. Ils ont découvert que quel que soit le modèle cellulaire utilisé, les cellules tumorales arrêtent systématiquement de se diviser dès les premières heures du traitement, et retournent dans un état physiologiquement proche d’une cellule pulmonaire normale. Ce retour à cette apparente normalité reste cependant de courte durée, car bien que la grande majorité des cellules finisse par mourir, une petite proportion est capable d’échapper à l’arrêt du cycle cellulaire et de réacquérir progressivement des capacités prolifératives, donnant ainsi lieu aux rechutes. Pour franchir ces différentes étapes de la résistance adaptative, les cellules tumorales ont besoin de protéines dont l’activité dépend d’une enzyme appelée farnésyltransférase. En utilisant plusieurs modèles précliniques de tumeurs humaines implantées chez la souris, les scientifiques ont montré que l’inhibition pharmacologique de cette enzyme empêchait l’adaptation des cellules tumorales à plusieurs types de thérapies ciblées, provoquant un stress létal pour ces cellules.

Ces résultats apportent non seulement une connaissance plus approfondie des étapes impliquées dans l’acquisition de mécanismes de résistance aux thérapies ciblées, mais propose également un nouveau traitement capable de les prévenir. Des combinaisons thérapeutiques associant une thérapie ciblée et un inhibiteur de la farnésyltransférase sont actuellement en essai clinique de phase précoce et représente un réel espoir de limiter la rechute chez les patients.

Rush de Recherche | Un inhibiteur de la farnésyltransférase prévient l'émergence de résistances aux thérapies dans un modèle cellulaire de cancer pulmonaire

Audiodescription

Légende : Des cellules tumorales bronchiques HCC4006 présentant une mutation sur l’EGFR ont été modifiées pour exprimer un système de marquage du cycle cellulaire grâce auquel les noyaux des cellules en phase G1 (majoritairement non-prolifératives) apparaissent en rouge, et les noyaux des cellules en phase S/G2 (majoritairement prolifératives) apparaissent en vert. Les cellules ont ensuite été traitée par une thérapie ciblées anti-EGFR (osimertinib) seule (à gauche) ou en combinaison avec l’inhibiteur de la farnésyltransférase tipifarnib (à droite), et suivi par imagerie Incucyte®.

En savoir plus : Figarol, S., Delahaye, C., Gence, R. et al. Farnesyltransferase inhibition overcomes oncogene-addicted non-small cell lung cancer adaptive resistance to targeted therapies. Nat Commun 15, 5345 (2024). https://doi.org/10.1038/s41467-024-49360-4

Contact

Olivier Calvayrac
Chercheur CNRS

Laboratoire

Centre de recherches en cancérologie de Toulouse - CRCT (CNRS/Inserm/Université Toulouse III Paul Sabatier)
2, avenue Hubert Curien,
31037 Toulouse cedex 1 - France