Boucles thalamocorticales : des informations bien dirigées pour une décision adaptée
Figure : Gauche : Après un apprentissage instrumental simple durant lequel les animaux apprennent que deux actions différentes (pousser un levier, ou bien un « tilt ») permettent d’obtenir des récompenses alimentaires distinctes, des épreuves spécifiques © Mathieu Wolff

Boucles thalamocorticales : des informations bien dirigées pour une décision adaptée

Résultats scientifiques

La capacité à prendre une décision adaptée dans un environnement changeant fait intervenir de multiples régions cérébrales interconnectées. Le cortex préfrontal est l’un des sites primordiaux mais ces dernières années ont vu apparaître le rôle important des régions thalamiques. Des chercheurs de l'Institut de Neurosciences Cognitives et Intégratives d'Aquitaine, en s’associant à un groupe de l’Institut de Génétique Moléculaire de Montpellier, ont pu montrer que le flux d’information entre ces structures se fait aussi bien du thalamus vers le cortex préfrontal que du cortex vers le thalamus. Qui plus est, ces flux antiparallèles sont fonctionnellement complémentaires. Menés chez le rat, ces travaux sont publiés le 6 février 2018 dans eLife.

Quand un mammifère prend une décision pour atteindre un but, il forme une représentation mentale de la valeur de la récompense escomptée mais également du lien causal entre son action et ce qui en résulte. Quand ces deux critères sont établis, on parle d’un « comportement dirigé vers un but ». Ces capacités de représentation peuvent être étudiées au laboratoire par des procédures issues de la psychologie expérimentale. Cette approche classique a permis d’établir le rôle prééminent du cortex préfrontal, structure la plus évoluée de notre cerveau. Des travaux récents ont néanmoins mis en lumière le rôle également important joué par les noyaux thalamiques qui sont des structures apparues plus précocement dans l’évolution et qui sont fortement interconnectées avec le cortex préfrontal.

L’équipe « Décision et Adaptation » s’est intéressée à la façon dont ces aires corticales et thalamiques communiquent. L’organisation anatomique de ces circuits « thalamocorticaux » se fait en boucles, qui sont définies par les projections réciproques caractérisant ces circuits. Cette organisation particulière pose la question de la nature de l’information qui est convoyée du cortex vers le thalamus et vice-et-versa.

Pour lever le voile sur cette question, les chercheurs ont mis en place avec leurs collaborateurs de l’équipe « Adénovirus : Récepteurs, Trafic Intracellulaire et Vectorologie » de Montpellier une stratégie d’intervention ciblée sur les projections thalamocorticales ou corticothalamiques au moyen d’une approche pharmacogénétique. Cette méthode consiste à faire exprimer aux neurones d’intérêt un récepteur modifié qui a pour caractéristique d’être activé exclusivement par l’application d’une drogue exogène, laquelle peut être injectée par voie systémique. Quand la drogue active le récepteur, tous les neurones qui en sont pourvus sont inhibés, de façon transitoire. En utilisant des vecteurs viraux aux propriétés complémentaires, les chercheurs sont parvenus à faire exprimer ces récepteurs modifiés uniquement aux neurones corticaux qui établissent des projections vers le thalamus, ou bien au contraire uniquement aux neurones thalamiques qui innervent le cortex préfrontal (Figure).

En couplant ces approches avec des épreuves comportementales adaptées, l’équipe a pu établir que les deux voies (thalamocorticales et corticothalamiques) sont nécessaires pour fonder un choix sur la valeur courante de la récompense, mais que seule la voie thalamocorticale est prépondérante pour fonder également ce choix sur le lien causal entre l’action et son effet. Ainsi, les deux attributs principaux d’un comportement dirigé vers un but sont assurés de façon différentielle par les voies thalamocorticales et corticothalamiques.

Ces résultats indiquent clairement que l’architecture en boucle des circuits thalamocorticaux est essentielle pour une prise de décision adaptée. De plus, ils permettent d’établir que la direction de propagation de l’information est une caractéristique fonctionnelle importante des circuits thalamocorticaux. Appliquer la même stratégie d’intervention sur d’autres circuits pour éprouver la généralité de ces données semble une perspective prometteuse, particulièrement pour ce qui concerne les désordres mentaux qui sont conceptualisés comme des troubles de connectivité entre aires cérébrales comme c’est le cas de la schizophrénie par exemple.

Image retirée.
Figure : Gauche : Après un apprentissage instrumental simple durant lequel les animaux apprennent que deux actions différentes (pousser un levier, ou bien un « tilt ») permettent d’obtenir des récompenses alimentaires distinctes, des épreuves spécifiques réalisées en condition de choix permettent d’étudier la capacité des animaux à guider leur choix soit sur la valeur de l’action, soit sur le lien de cause à effet entre l’action et la récompense alimentaire qu’elle permet d’obtenir.
Droite :Les boucles thalamocorticales sont définies par les projections réciproques thalamocorticales (bleu) et corticothalamiques (orange). L’image du haut montre des neurones corticaux projetant vers le thalamus qui ont été infectés par un récepteur muté permettant d’inhiber de façon sélective ces cellules. L’image du bas montre la même infection spécifique, cette fois sur les neurones thalamiques qui projettent vers le cortex. En évaluant l’impact comportemental de l’inactivation réversible de ces populations neuronales spécifiques, il a été possible d’établir que les voies corticothalamiques jouent un rôle important dans la représentation de la valeur courante d’une action tandis que les voies thalamocorticales jouent un rôle prépondérant dans la représentation du lien causal entre l’action et l’effet qui en résulte.
©  Mathieu Wolff

 

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