Architectures cellulaires : un équilibre entre compétition et renouvellement

Résultats scientifiques Biologie cellulaire

Les architectures cellulaires composant le squelette de la cellule (le cytosquelette) sont constituées de réseaux de filaments composés de molécules d’actine. Ces réseaux sont en compétition pour une quantité limitée d’actine. Dans un article publié dans Current Biology, les scientifiques ont utilisé un système biomimétique pour analyser comment les ressources sont partagées entre différentes architectures dynamiques d'actine. Ils ont mis en lumière l'importance du recyclage des protéines dans la coexistence de différents réseaux d'actine au sein de la cellule. 

Des réseaux en concurrence pour une ressource limitée

La compétition pour les ressources est omniprésente dans le vivant, s'observant aussi bien à l'échelle des écosystèmes planétaires qu'au cœur des cellules. En effet, dans ces dernières, le cytosquelette d’actine, qui assure la régulation de la forme, le déplacement et la division cellulaire, est constitué de plusieurs sous-réseaux. Certains sont localisés à la périphérie, d’autres plutôt vers le centre de la cellule. Certains sont très denses et homogènes, alors que dans d’autres, les filaments forment des sous-réseaux coalescent et créent ainsi des architectures plus hétérogènes. Ils varient également en taille et en rigidité. Pourtant, tous sont constitués des mêmes composants : l’actine et ses protéines associées. Cependant, la quantité d’actine est limitée dans une cellule. Ces différents sous-réseaux doivent donc partager cette ressource afin de pouvoir coexister et remplir leurs fonctions respectives. La question demeure : comment parviennent-ils à coexister dans cet environnement concurrentiel, aux ressources limitées ?

Observer la compétition pour mieux la comprendre

Afin d’étudier la compétition entre plusieurs réseaux de filaments d’actine, les scientifiques ont mené des expériences publiées dans la revue Current Biology. Ils ont utilisé des protéines purifiées pour faire croître ces réseaux sur de petites billes placées dans des micropuits fermés, ce qui leur a permis de contrôler le nombre de réseaux en compétition ainsi que la quantité de composants disponibles. Comme prévu, ils ont observé que si un des réseaux consomme plus de composants que les autres, il empêche la croissance de ses voisins : « The winner takes it all! ». En revanche, si ces réseaux sont dynamiques et se renouvellent en désassemblant et réassemblant en permanence leurs filaments, ils relarguent les composants qu’ils ont utilisés, permettant aux autres réseaux de les utiliser à leur tour : « Sharing is life for everyone! ». Le renouvellement constant des structures est une signature essentielle des systèmes vivants, et c’est ce mécanisme fondamental qui permet la coexistence de différents réseaux, ayant des tailles et des niveaux de consommation différents. 

Le renouvellement, clé de l’équilibre et de la diversité

Cette étude montre comment le renouvellement permanent d’un système dynamique favorise le partage des ressources et permet la coexistence entre éléments dominants et plus faibles. De manière plus générale, cette étude fait écho à la compétition pour les ressources disponibles, qui existe à toutes les échelles du vivant, entre espèces dans la nature, entre organes dans un organisme ou encore entre cellules dans un tissu. Cette étude souligne ainsi l’importance du renouvellement et de la remise en circulation des ressources pour permettre le maintien de la diversité des systèmes en compétition.

© Alexandra Colin, LPCV, CNRS

Figure : Effet du recyclage des protéines sur la croissance et la coexistence de réseaux d’actine avec différentes densités. 

Pour en savoir plus : Balancing limited resources in actin network competition, Christophe Guérin, Anne-Betty N’Diaye, Laurène Gressin, Alex Mogilner, Manuel Théry*, Laurent Blanchoin*, Alexandra Colin*.
Current Biology, 9 janvier 2025, DOI : https://doi.org/10.1016/j.cub.2024.11.067

Contact

Alexandra Colin
Chargée de recherche

Laboratoires

Laboratoire de physiologie cellulaire et végétale – LPCV (CNRS/CEA/UGA/Inrae)
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Chimie Biologie Innovation - CBI (CNRS/ESPCI PARIS - PSL)
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