ADAR1, une enzyme dont l’association en paires influence l’édition de l’ARN
L’édition de l’ARN est un mécanisme qui permet de modifier des ARN avant que ces derniers ne soient traduits en protéine. ADAR1 est une enzyme qui est importante dans ce mécanisme, et qui est associée sous forme de paires dans nos cellules. Dans une étude publiée dans Nature Communications, des scientifiques révèlent, à partir d’analyses structurales, comment cette association en paires, ou dimérisation, influence le choix des sites d’édition de l’ARN sans pour autant être absolument requise pour l’activité de l’enzyme.
ADAR1, une enzyme impliquée dans l’édition de l’ARN
Dans nos cellules, l’édition de l’ARN est un processus fondamental qui se produit après la transcription, c’est-à-dire après la formation de l’ARN à partir de la séquence de l’ADN, et qui permet d’apporter des modifications subtiles aux informations génétiques avant qu’elles ne soient traduites en protéines. L’une des formes les plus courantes d’édition est celle qui transforme l’adénosine (A) en inosine (I), une réaction catalysée par des enzymes spécifiques, appelées ADARs. Parmi ces enzymes, ADAR1 est la plus active et opère sur des milliers de sites à travers le transcriptome humain. Cependant, la manière dont ADAR1 reconnaît et sélectionne précisément ces sites d’édition reste peu compris, en particulier le rôle de la dimérisation (le fait que deux copies de l'enzyme se lient ensemble) dans cette activité était inconnue.
Quel rôle joue la dimérisation dans l’activité d’ADAR1 et dans la sélection des sites d’édition ?
Pour mieux comprendre la spécificité de reconnaissance des sites d’édition, des scientifiques ont entrepris une étude détaillée sur la structure d’ADAR1, récemment publiée dans Nature Communications. Grâce à une approche combinant l’analyse structurale de l’enzyme et la création de mutants, ils ont montré qu’une région correspondant à un domaine de liaison à l’ARN double brin d’ADAR1 permet la dimérisation au travers d’une grande interface entre deux molécules d’ADAR1. En modifiant cette interface, les chercheurs ont réussi à perturber la formation des dimères sans bloquer totalement l’activité d'édition, ce qui a affecté l’efficacité de l'édition sur certains sites spécifiques.
En perturbant la dimérisation, les chercheurs ont observé une modification sélective de l’efficacité de l’édition de l’ARN sur certains sites spécifiques, ce qui suggère un rôle complexe et finement modulé de la dimérisation dans la reconnaissance des sites d’édition par ADAR1. Ce résultat est important pour la recherche fondamentale, car il révèle une nouvelle dimension de régulation de l’activité enzymatique d’ADAR1.
Moduler l’activité d’ADAR1 dans des pathologies ou une dérégulation de l’édition de l’ARN est observée ?
De plus, cette découverte ouvre des perspectives thérapeutiques intéressantes. En ciblant spécifiquement la dimérisation d’ADAR1, il pourrait être envisageable de moduler son activité avec de possibles bénéfices dans certaines pathologies où une dérégulation de l’édition de l’ARN est impliquée, comme dans certaines maladies auto-immunes. De plus, la manipulation de l’activité d’ADAR1 pourrait, à terme, devenir une approche complémentaire dans le traitement de certains cancers par immunothérapie.
Figure : La dimérisation d'ADAR1 au niveau du dsRBD3 module sa spécificité d'édition des ARN
(A) Organisation générale de la structure cristalline du domaine de liaison à l'ARN double-brin n°3 d'ADAR1 (ADAR1-dsRBD3) en complexe avec deux molécules d'ARN double-brin (ARNdb1 et 2). Les monomères A et B sont représentés en bleu et en jaune. Les hélices d'ARNdb sont représentées en vert et en gris. L'activité d'édition des deux isoformes d'ADAR1, i.e. ADAR1 p150 (p150) et ADAR1 p110 (p110), est affectée différemment dans la forme mutante où la dimérisation est abolie, i.e. p150 mut et p110 mut. (B) Le site 1 de l'ARN Azin1 est exclusivement édité par ADAR1 p150 et une mutation de dimérisation abolit l'édition. (C) L'édition du site 2 dans le même transcrit Azin1 est fortement réduite par l'inhibition de la formation de dimères. (D) L'édition de Gli1 est réduite par le mutant de dimérisation mais seulement dans le contexte de ADAR1 p150.
Référence : Dimerization of ADAR1 modulates site-specificity of RNA editing. Allegra Mboukou, Vinod Rajendra, Serafina Messmer, Therese C. Mandl, Marjorie Catala, Carine Tisné, Michael F. Jantsch & Pierre Barraud.
Nature Communications, 21 novembre 2024, DOI : https://www.nature.com/articles/s41467-024-53777-2
Contact
Laboratoires
Institut de biologie physico-chimique - IBPC (CNRS)
CNRS DR02
13 Rue Pierre et Marie Curie
75005 PARIS - France
Department of cell and developmental Biology
Schwarzspanierstrasse 17
1090 Vienna, Austria