Transmission d'une pathologie neurodégénérative par des cerveaux Alzheimer

Résultats scientifiques Neuroscience, cognition

La maladie d’Alzheimer entraîne une perte progressive de la mémoire et une lente dégénérescence des cellules du cerveau (neurones). Dans une étude publiée dans Acta Neuropathologica Communications, les chercheurs montrent que l'inoculation de broyat de cerveaux humains Alzheimer à des primates induit des lésions typiques de la maladie, ainsi qu'un processus neurodégénératif associé à des pertes de mémoire, suggérant que des cerveaux Alzheimer peuvent transmettre une maladie neurodégénérative.

La maladie d’Alzheimer touche directement un million de personnes en France. Elle entraîne une perte progressive de la mémoire et résulte d’une lente dégénérescence des cellules du cerveau (neurones) qui se propage pour affecter l'ensemble du cerveau. Ces altérations sont induites par deux lésions microscopiques complémentaires (l'amylose et la tauopathie). La maladie est liée au vieillissement du cerveau parfois associée à des prédispositions génétiques. Peut-elle être transmise d'un individu à un autre?

Chez l'homme, des travaux épidémiologiques ont déjà suggéré que l'amylose (agrégation pathologique de certaines protéines) peut être transmise dans des circonstances exceptionnelles (injections d'hormone de croissance issue de cerveaux, procédures neurochirurgicales avec greffes de tissus d'origine cérébrale). Cette transmission de l'amylose ne semblait cependant pas induire une maladie d'Alzheimer ou un processus neurodégénératif. La transmission de la tauopathie (agrégation de la protéine tau) n'a pas non plus été clairement établie.

Les chercheurs ont montré que l'inoculation d’extraits de cerveaux de patients atteints de la maladie d’Alzheimer dans des cerveaux de primates (Microcèbes murins) provoque des troubles de la mémoire et une maladie du cerveau caractérisée par l'apparition des lésions microscopiques typiques de la maladie d'Alzheimer (amylose et tauopathie), une perte des neurones, une réduction de la taille du cerveau, et une altération de la capacité des neurones à communiquer entre eux. Ces altérations apparaissent entre 6 mois et 1 an et demi après l'inoculation et s'amplifie au cours du temps.

Il s'agit de la première démonstration de l'induction de signes cliniques associés à un processus neurodégénératif par inoculation d'extraits de cerveaux humains porteurs de la maladie d’Alzheimer. Ces travaux amènent également la première démonstration de l'induction d'une tauopathie par contamination avec un cerveau Alzheimer entre primates.

Les résultats de cette étude peuvent être interprétés dans le contexte de l'"hypothèse prion" de la maladie d'Alzheimer. Au cours de ces maladies, des protéines anormales (prions) transmettent leur conformation anormale à des protéines normales pour induire la pathologie ou permettre à la maladie de diffuser dans l'organisme. La transmission des lésions de la maladie d'Alzheimer décrite dans cette étude suggère que les protéines de ces lésions se comportent comme des prions. Cela renforce l'"hypothèse prion", jusqu'à récemment controversée, de certaines maladies neurodégénératives (maladie d'Alzheimer, de Parkinson, ou de Huntington).

Ces résultats ne montrent pas que la maladie d'Alzheimer est contagieuse dans des conditions normales. Ils suggèrent cependant qu'il convient d'appliquer scrupuleusement les précautions particulières déjà prises lors des manœuvres neurochirurgicales pour éviter des contaminations de cerveaux à cerveaux. Ils ouvrent également la voie à l'exploration de nouveaux mécanismes de la maladie d'Alzheimer et à la création de nouveaux modèles animaux pour mieux comprendre les causes des pertes neuronales associées à la maladie d'Alzheimer.

Figure Dhenain
Figure : L'inoculation intracérébrale d'extraits de cerveaux de patients atteints de la maladie d’Alzheimer à des microcèbes murins induit l'apparition de pertes de la mémoire, des lésions microscopiques typiques de la maladie d'Alzheimer (amylose et tauopathie), une perte des neurones, une réduction de la taille du cerveau et une altération de la capacité des neurones à communiquer entre eux. Ces altérations apparaissent entre 6 mois et 1 an et demi après l'inoculation et s'amplifie au cours du temps. Ces données suggèrent que les extraits de cerveaux de patients atteints de la maladie d’Alzheimer peuvent induire une maladie neurodégénérative lorsqu'ils atteignent le cerveau d'un hôte receveur.
© Marc Dhenain

Pour en savoir plus :
Encephalopathy induced by Alzheimer brain inoculation in a non-human primate.
Gary C, Lam S, Hérard AS, Koch JE, Petit F, Gipchtein P, Sawiak SJ, Caillierez R, Eddarkaoui S, Colin M, Aujard F, Deslys JP; French Neuropathology Network, Brouillet E, Buée L, Comoy EE, Pifferi F, Picq JL, Dhenain M.
Acta Neuropathol Commun. 2019 Sep 4;7(1):126. doi: 10.1186/s40478-019-0771-x.

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Marc Dhenain
Directeur de recherche CNRS